Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/620

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
610
revue philosophique

structure native, il le fait en vertu des ressources qui lui sont fournies par son. organisme lui-même, l’activité fonctionnelle n’étant et ne pouvant être que le jeu d’un organe. Si l’instrument employé semble insuffisant, nous pouvons être sûrs que l’animal ne s’affranchit ainsi des empêchements que son organisation lui oppose sur un point qu’en la perfectionnant sur un autre point, et qu’il gagne par exemple du côté de la structure cérébrale ce qui lui est refusé du côté des organes préhenseurs, ou compense par l’extension des facultés affectives et sociales ce qui lui est refusé soit quant à la force musculaire, soit quant à la portée des organes sensoriels. Le mécanisme vital et l’activité psychique ne s’accompagnent pas comme deux lignes parallèles, soit ; mais ce sont deux séries de valeurs complexes semblablement groupées dont les sommes restent toujours exactement proportionnelles.

C’est ce qu’ont trop souvent oublié ceux qui ont traité de « l’âme de la plante », et M. Vignoli lui-même. La grande loi de l’intelligence s’applique, suivant lui, au règne végétal comme au règne animal. Quelle est donc cette loi fondamentale, qu’il appelle une grande et féconde découverte ? La voici : « L’essence de la faculté psychique consiste dans la coordination spontanée et consciente des moyens par rapport à une fin » (p. 51). De cette formule, un premier élément est à rejeter, la spontanéité. Ce mot ne peut avoir que deux sens, en effet : ou il signifie la création totale de la force et n’est autre que la liberté absolue, l’acte pur des métaphysiciens ; ou bien il indique l’action déterminée au sein de l’organisme par des impulsions internes, impulsions dont l’origine première est toujours une partie de la force cosmique. Nous ne croyons pas que M. Vignoli attribue à la plante la spontanéité absolue, et, quant à cette spontanéité dérivée ou impulsion interne, elle est si loin de constituer une preuve d’activité psychique, qu’elle se voit dans beaucoup de nos machines : sans parler des montres, c’est ainsi que la cloche sonne d’elle-même dans un moulin quand le grain manque à la meule, et que le régulateur à boules augmente ou diminue de lui-même la quantité de vapeur qui arrive dans le cylindre de la machine à vapeur. M. Vignoli ne soutiendrait pas sans doute que les mouvements de la plante ne sont pas déterminés ; qu’ils soient déterminés directement du dehors, ou indirectement du dedans par suite des modifications extérieures antérieurement subies, la différence importe peu pour le problème qui nous occupe. Un second élément plus important de la formule est la conscience. Mais l’auteur affaiblit la portée de son affirmation aussitôt après, en écrivant que l’activité de la plante est inconsciente (p. 53). Dès lors, que reste-t-il ? La coordination des moyens par