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delbœuf. — la loi psychophysique

Cependant faisons ressortir un résultat de la graduation usuelle du thermomètre : l’on est tenté de voir en lutte deux agents, le froid et le chaud, dont l’un fait baisser et l’autre hausser la colonne mercurielle, et de se figurer qu’elle atteint le quand les deux antagonistes sont de même force.

Ce point de vue, qui est faux quand il s’agit du thermomètre, est vrai pour le galvanomètre. Ici le marque un point complètement neutre. Quand l’aiguille s’y arrête, c’est que les deux courants électriques qui parcourent le fil se contre-balancent. L’aiguille, au contraire, marche de gauche à droite ou de droite à gauche suivant que l’un des courants l’emporte sur l’autre. Ici, par conséquent, les termes de positif et de négatif correspondent à des phénomènes directement opposés et se détruisant réciproquement. Il y aurait donc les plus grands inconvénients à mettre le à une autre place ; ce serait embrouiller à plaisir les notions et compliquer les calculs.

Puisque nous parlons de l’échelle du galvanomètre, faisons du même coup maintenant une dernière remarque. C’est que les divisions égales inscrites sur le cadran que parcourt l’aiguille ne répondent pas à des accroissements égaux du courant. Ainsi, un degré parcouru entre 30° et 31° n’équivaut pas à un degré parcouru entre 10° et 11°. Le premier est le signe d’une augmentation dans la force du courant plus considérable que le second. L’échelle du galvanomètre diffère donc à cet égard de celles du thermomètre, du baromètre, etc., où tous les degrés sont égaux, c’est-à-dire désignent toujours un même écart entre deux valeurs consécutives du phénomène qu’elles mesurent. Mais on aurait pu, on le conçoit sans peine, adopter un autre mode de graduation, ou faire parcourir à l’aiguille une ligne telle que sa marche eût représenté fidèlement la marche de l’intensité du courant. Le galvanomètre est, en somme, gradué à la façon de certains pèse-lettres, formés d’un levier coudé dont l’aiguille parcourt sur le cadran des divisions de plus en plus petites pour le même poids en plus jeté dans le support. Cette remarque nous sera utile plus tard.

Revenons maintenant à la sensation. Voilà un phénomène qui peut avoir des degrés d’intensité différents. Il s’agit de lui appliquer une échelle.

Si la sensation présente un point neutre, la place du zéro est naturellement indiquée. Je pense, pour ma part, qu’elle renferme ce point neutre ; mais je réserve ceci pour une discussion qui viendra plus tard. Pour Fechner et la plupart des psychophysiciens, la sensation dans sa marche ascendante ne présente ni point d’arrêt, ni point de rebroussement. Une échelle comme celle du galvanomètre ne lui conviendrait donc pas. On peut sans doute placer arbitrairement le zéro, comme dans le thermomètre, et dire conventionnellement que