Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/690

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
680
revue philosophique

relatifs à la théorie de la connaissance, dont une analyse critique de la pensée réclame impérieusement l’examen. — L’économie politique ne saurait demeurer étrangère à celui qui veut construire la science de la vie sociale. Le philosophe ne peut ignorer le mouvement socialiste de notre temps. L’auteur a essayé de satisfaire à ce double besoin par ses divers ouvrages économiques, qui constituent une critique des principes et un cours complet de la science économique et du socialisme. — De même, les vues politiques et juridiques, qui sont développées dans le présent livre, ont été préparées par les études approfondies que l’auteur a, pendant douze ans et au début de sa carrière, poursuivies sur la science du droit. Il était arrivé à son optimisme philosophique dès 1865, dans son ouvrage sur « le prix de la vie. » Contre les erreurs du passé, il s’était mis en garde par son Histoire critique de la philosophie (2e  édition, Berlin, 1873). — Si la philosophie de la réalité étend ainsi les études préliminaires du philosophe, elle les débarrasse des superfluités de la logique et de la métaphysique traditionnelles. De même, elle réduit l’étude des langues et des littératures, « Elle ne s’occupe que des choses et ne s’embarrasse pas des reliques du passé, sous forme de citations classiques ou autres. Elle respecte la langue et le génie national, et ne veut pas risquer de les corrompre par un mélange indiscret de matériaux étrangers. Elle n’a pas besoin de dissimuler sous une forme doctorale la fausseté ou le vide des pensées. » La philosophie de la réalité ne demande à ceux qui veulent l’entendre qu’une culture suffisamment sérieuse des mathématiques et des sciences physiques, jointe à la connaissance des principes des sciences sociales et politiques. Elle n’est pas seulement un mode de penser, mais une direction pour la volonté. Elle tend au perfectionnement du caractère, non moins qu’au développement de l’esprit. — Une philosophie qui fait le procès au caractère aussi bien qu’à la doctrine des hommes du passé, doit trouver sa justification dans la conduite comme dans l’enseignement de ses représentants. L’auteur croit n’avoir pas failli à ces deux obligations. Sa vie témoigne autant que ses livres en faveur de ses principes. « Sans yeux, sans ressources, sans emploi, sans ami, poursuivi de toutes sortes d’inimitiés depuis la première manifestation de ses idées, il a lutté jusqu’à plus de quarante ans. » De longues années de privations et d’injustice n’ont pu interrompre ses travaux. C’est en vain que Tredelenburg, et avec lui des philologues comme Haupt, Magnus, etc., se sont opposés à son admission dans le sénat académique. Sa doctrine et l’école persécutées sont « aujourd’hui plus florissantes que jamais. »

Nous avons cru devoir, pendant tout le cours de cette exposition, laisser exclusivement la parole à Dühring. Nous nous proposions uniquement, par l’exactitude et l’étendue de notre analyse, de mettre chaque lecteur en état d’apprécier la nouvelle « philosophie de la réalité ». Les critiques qu’elle soulève se présenteront d’elles-mêmes aux esprits réfléchis :’nous aurons d’ailleurs nous-mêmes l’occasion de