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dernier élément dans la localisation des perceptions tactiles, Lotze y insiste moins qu’on ne l’a fait depuis.

La plus récente des doctrines génétiques est celle de Wundt. Tout en acceptant l’hypothèse des signes locaux, il la juge cependant insuffisante, car comment une série graduée de signes locaux qualitatifs peut-elle se transformer en un ordre dans l’espace ? C’est ce que la théorie de Lotze n’explique qu’en admettant des lois a priori de l’esprit. Mais les diverses impressions sont accompagnées de mouvements et par conséquent d’un certain sentiment d’innervation. Ces deux éléments, les signes locaux, les mouvements avec les sensations concomitantes — et Wundt insiste beaucoup sur ce dernier — suffisent pour expliquer la localisation dans l’espace. Ni les impressions locales toutes seules, ni les mouvements tout seuls ne peuvent nous la donner ; mais ces deux éléments, réunis par une chimie mentale, par une synthèse psychologique, forment une combinaison qui n’est autre chose que la notion d’espace. L’originalité de la solution de Wundt consiste donc à considérer l’idée d’espace comme une donnée synthétique dont l’analyse peut retrouver les éléments ; mais chacun de ces éléments ne ressemble pas plus à l’espace que l’oxygène et l’hydrogène ne ressemblent à l’eau, résultat de leur combinaison.


II


Quelque dissemblables que soient les théories dont nous venons de présenter le résumé, elles ont eu pour résultat commun, en montrant le problème sous tous ses aspects, de permettre de le mieux poser. Au lieu de procéder par des considérations générales comme les métaphysiciens, la plupart des auteurs ci-dessus mentionnés ont procédé par l’examen des détails : à une discussion abstraite, ils ont substitué des discussions concrètes : au lieu de se demander quelle est l’origine de l’espace, ils ont cherché à montrer par l’observation et le raisonnement comment nous acquérons les idées de longueur, largeur, distance, forme, position, direction, en un mot toutes les déterminations de l’étendue. La méthode suivie par eux nous paraît donc le contraire de celle des métaphysiciens.[1] C’est là un premier résultat

  1. On trouve un bon exemple de cette opposition des deux méthodes dans la discussion entre Stuart Mill et l’un de ses adversaires, Mahaffy. Celui-ci prétendant que la direction ne doit pas être mentionnée dans une analyse de l’étendue, « parce que direction veut dire espace et que l’espace ne peut servir à s’expliquer lui-même » ; Stuart Mill répond : « Au lieu de dire que direction signifie espace, il serait plus juste de dire qu’espace signifie