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que, parmi les personnes atteintes de cette forme de cancer, 20 sur 100 survivent un an. La probabilité pour J. Smith de survivre un an est .

Il faut bien se souvenir de la signification que M. Venn attribue à des fractions de ce genre. La dernière, par exemple, signifie seulement que J. Smith doit être classé dans une catégorie de personnes qui mourront cette année dans la proportion de 8 sur 10 en moyenne.

Maintenant, comparons les résultats des différents raisonnements que nous avons faits en suivant la logique du hasard. Ces résultats sont différents, mais ils ne sont pas pour cela contradictoires. Chacun d’eux n’est qu’une réponse approchée, et d’autant plus approchée que, pour la donner, on a tenu compte de plus de circonstances, et de circonstances plus considérables. Rien n’est plus malaisé que de faire de ces circonstances une évaluation, une appréciation valable. On trouvera sur ce sujet, dans le livre de M. Venu, une foule d’observations et de discussions pleines de finesse et d’intérêt. Bornons-nous à une seule remarque, qui me paraît avoir une haute valeur pour une intelligence exacte non-seulement de la théorie de la probabilité, mais de la théorie générale de l’induction.

Lorsque M. Mill veut établir sa théorie de l’induction, il procède comme tous les logiciens. Il s’attache à certains exemples et il s’efforce de montrer à quelles conditions il est possible de raisonner correctement sur les exemples proposés. Ainsi : Pierre est mort, Paul est mort etc., donc tout homme est mortel ; pour M. Mill, toute la question de l’induction consiste à demander à quelle condition une telle inférence peut être correcte. Mais, comme le remarque avec toute raison le docteur Whewell, de tels exemples sont faits pour produire une illusion complète. Par la façon même dont on les établit, ils supposent qu’une partie importante de l’opération inductive a déjà été correctement exécutée. On ne peut en effet se demander si tout homme est mortel sans avoir d’avance une idée nette et claire d’ « homme » et de « mortel ». Sur l’exemple que nous examinons, une telle remarque paraît puérile. Les idées d’homme et de mortel nous sont depuis longtemps si familières, que nous ne prenons pas garde à toutes les opérations qui ont été nécessaires pour fixer exactement dans notre esprit, d’une manière exacte, leur connotation et leur dénotation. Mais, si nous prenons un autre exemple, l’importance de ces opérations préliminaires de l’induction paraîtra avec une pleine évidence. Je suppose qu’il s’agisse d’établir par induction que « tous les phthisiques meurent rapidement ». Il est clair qu’avant toutes choses il faudrait savoir