Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
charpentier. — la logique du hasard

une science tout entière. Sans doute la science y est contenue, comme elle le serait dans tout autre principe énoncé en termes généraux ; mais la difficulté reste de l’en faire sortir, et cette difficulté n’en devient-elle pas plus grande ? Et, par exemple, ne faut-il pas déjà connaître et la mécanique et les artifices du calcul, pour tirer de la seule formule générale des vitesses virtuelles, je ne dis pas quelque nouveau théorème (ce dont je ne vois guère d’exemple), mais seulement les propositions qui nous sont le mieux connues ? La traduction n’est-elle pas ici plus difficile que le texte lui-même, je veux dire que la considération immédiate des choses que l’on veut étudier ? L’illustre auteur qui a voulu transformer la mécanique en une question de calcul a sans doute rempli son objet avec toute la clarté et toute l’élégance qu’on en pouvait attendre ; mais, si la véritable analyse brille quelque part dans la Mécanique analytique, j’oserai dire que c’est bien moins dans ces calculs que fauteur range avec tant d’ordre et de symétrie que dans ces courts passages où il rapproche les méthodes, et dans ces admirables préfaces qu’il a placées à la tête des différents livres de son ouvrage, où il examine et discute les principes fondamentaux de la science, et fait l’histoire instructive du mouvement de l’esprit humain dans cette suite délicate d’idées fines et de solutions ingénieuses qui ont peu à peu formé la mécanique. C’est par là surtout que ce bel ouvrage pourra servir aux progrès ultérieurs de l’esprit, en lui montrant la route qu’il a suivie et qui est encore la route où il doit continuer de marcher. Car, encore une fois, gardons-nous de croire qu’une science soit faite quand on fa réduite à des formules analytiques. Rien ne nous dispense d’étudier les choses en elles-mêmes et de nous bien rendre compte des idées qui font l’objet de nos spéculations. N’oublions point que les résultats de nos calculs ont presque toujours besoin d’être vérifiés d’un autre côté, par quelque raisonnement simple, ou par l’expérience. Que si le calcul seul peut quelquefois nous offrir une vérité nouvelle, il ne faut pas croire que sur ce point même l’esprit n’ait plus rien à faire ; mais au contraire il faut songer que, cette vérité étant indépendante des méthodes ou des artifices qui ont pu nous y conduire, il existe certainement quelque démonstration simple qui pourrait la porter à l’évidence, ce qui doit être le grand objet et le dernier résultat de la science mathématique. »

T.-V. Charpentier.