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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS



Lionel Dauriac. Des notions de matière et de force dans les sciences de la nature. Paris, Germer Baillière, 1878.

L’auteur de ce livre est métaphysicien. C’est la définition métaphysique de la matière et de la force qu’il recherche, et c’est la métaphysique de la nature qu’il entreprend d’esquisser, après avoir, il est vrai, interrogé soigneusement les sciences expérimentales et constaté leur impuissance. Nous avons donc affaire ici à un livre de « philosophie première », mais assaisonné de faits nombreux, et au courant des théories les plus récentes de la physique et de la chimie. On y reconnaît sans peine l’œuvre d’un esprit alerte, ingénieux, point banal ; la dialectique en est souple et vive ; le langage aussi clair qu’élégant. Nous verrons plus loin les critiques qu’il convient, selon nous, d’ajouter à ces justes éloges.

Qu’est-ce que la métaphysique de la nature ? C’est, dit M. Dauriac, la science des principes de la nature, des facteurs premiers et essentiels de la matière. Or quelle est la méthode de cette science ? Ce n’est pas l’expérience externe : car elle ne saisit que des faits et ne peut édifier qu’une « métaphysique positive » pour laquelle l’origine des choses est non pas une cause première et absolue, mais simplement un phénomène qui sert d’antécédent aux autres. Ce n’est pas non plus l’intuition ; car l’intuition de l’essence des choses matérielles ne nous a pas été donnée : sinon, comment expliquer qu’on ait tant de peine à s’accorder en philosophie première ? Et puis, comment admettre qu’un esprit puisse contempler un autre esprit ? la conscience a seule le privilège de nous donner l’intuition d’une essence.

Quelle est donc la méthode de la métaphysique de la nature ? elle consiste dans la combinaison : 1° de la conscience qui met intuitivement l’homme en face de son essence, et qui la lui fait apercevoir comme substance, comme force, comme pensée ; 2° de la raison qui, proclamant ce principe que « tous les êtres sont homogènes », nous fait concevoir qu’ils ont tous une essence identique, dans une certaine mesure à celle du moi, que, par conséquent, ils sont tous, en quelque façon, non-seulement des substances et des forces, mais des consciences ; 3° enfin de l’expérience externe qui, aidée