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charpentier. — la logique du hasard

la différence du nombre des faces et de celui des piles, vous n’observeriez point du tout la même loi. Pour les trois expériences rapportées plus haut, les différences sont : 2, 4, 6. On voit qu’elles ne semblent pas se rapprocher d’une limite déterminée.

L’étude de la succession des coups à tous les jeux de hasard donnerait lieu, mutatis mutandis, aux mêmes observations. Faites l’expérience avec un dé, vous trouverez que le rapport du nombre total des jets qui amènent as au nombre total des jets tend vers la limite . Faites l’expérience avec 2 dés, vous trouverez que le rapport du nombre des jets qui amènent sonnez (double-six) au nombre total des jets tend vers la limite, etc.

Les choses cependant ne se présentent pas toujours avec ce degré de simplicité. Faites l’expérience avec 2 dés, et notez à chaque coup le point amené. Le point varie nécessairement de 2 à 12. Si vous examinez la série des points donnés par l’expérience, vous trouverez d’abord dans leur succession une grande irrégularité. Si vous constatez par une supputation convenable la fréquence de chaque point, vous découvrirez que d’ordinaire sur 36 coups le point 2 vient 1 fois ; le point 3, 2 fois ; le point 4, 3 fois ; le point 5, 4 fois ; le point 6, 5 fois ; le point 7, 6 fois ; le point 8, 5 fois ; le point 9, 4 fois ; le point 10, 3 fois ; le point 11, 2 fois ; et le point 12, 1 fois. Ainsi le point 2 viendra aussi souvent que le point 12, et le point 7 viendra 6 fois plus souvent que le point 2 ou que le point 12. On pourrait multiplier les exemples ; mais ce que nous devons actuellement remarquer, c’est qu’on rencontrera toujours des séries régulières, des séries pouvant devenir des objets d’investigation scientifique.

Les événements ou coups que l’on observe dans les jeux de hasard ont un caractère artificiel. Les objets que l’on emploie dans les jeux, dés, cartes, etc., sont de fabrication humaine ; les règles ou conditions des jeux sont de pures conventions ; l’emploi que l’on fait des objets qui servent aux jeux dépend toujours du libre choix du joueur. Je suis libre de jeter les dés comme il me plaît. Je suis libre de choisir dans une urne telle boule plutôt que telle autre. Une seule chose importe, c’est que je ne puisse en aucune manière être déterminé dans mon choix par une connaissance anticipée de l’événement futur. Les séries formées par les événements qu’on observe dans la répétition des coups d’un jeu de hasard composeront une première classe de séries.

Les séries de la seconde classe sont celles dont les événements ne dépendent en aucune façon de la libre volonté de l’homme, mais sont produits par des forces ou causes purement naturelles. Telle est la série qu’on obtient en formant une table chronologique des nais-