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naît à la science le droit de s’interdire toute autre recherche que celle qui ramène des effets à leurs conditions ou causes prochaines, de M. Caro qui distingue, suivant une heureuse expression, les causes ou conditions efficientes des conditions intellectuelles, les unes et les autres donnant lieu à deux ordres de recherches entièrement différentes. En prétendant revivifier, renouveler, éclairer la physiologie par l’introduction des conceptions métaphysiques, M. Chauffard a donc contre lui non-seulement les physiologistes militants, mais les philosophes spiritualistes, le passé et le présent, l’expérience et la raison : nous allons voir qu’il a surtout contre lui l’obscurité, la faiblesse, les embarras du système qu’il nous présente.

N’ayant accueilli, ainsi que nous l’avons dit, ni le positivisme scientifique, ni le matérialisme moderne, ni le spiritualisme ancien, M. Chauffard est bien obligé d’innover malgré lui-même et d’imaginer, à son corps défendant, un spiritualisme nouveau. De cette doctrine un peu nuageuse, il est plus facile de dire ce qu’elle ne veut pas être que ce qu’elle est précisément. L’être vivant est, pour M. Chauffard, une sorte de chaos où la matière et la force, l’esprit et le corps et toutes les activités sont amalgamées, fondues et unifiées. Mais nous préférons citer textuellement : « La vie ne doit pas être séparée de l’organisme, la cause organisante de l’organisation, la réalisation de la force d’avec la force. — L’organisme, l’organisation sont la vie même. — L’homme est ici-bas la pensée vivante : il est la vie humaine qui résume en elle l’activité pleine de notre être, celle qui pense et qui sent, qui veut et qui agit. — La pensée, l’action, la fonction s’enlacent dans une invincible union. — L’âme, c’est la cause vitale elle-même. — La vie, c’est l’organisme évoluant, c’est l’être humain considéré dans son développement légitime, l’origine, l’aboutissant et la raison de tout l’ordre vivant, la force devenant une matière simple, la matière se perdant dans l’activité de la force. »

À ce point, pour employer, nous aussi, le mot de Montaigne, nous tombons en éblouissement. — Certes, il y a dans ces lignes plus à deviner qu’à comprendre : cependant, ne renonçons pas à percer ces ténèbres et poursuivons notre examen ; la lecture complète de l’œuvre de M. Chauffard nous en donnera le sens et nous permettra de saisir par degrés successifs sa pensée tout entière. Réunissons en un corps les membres épars de sa conception. Que verrons-nous ?

Le caractère dominateur de l’être vivant, c’est son unité. « Entre tous les caractères qui séparent ce qui vit de ce qui ne vit pas, s’élève et domine le caractère de l’unité. — La vie présuppose l’individualité : celle-ci présuppose l’unité. » Voilà, si nous pouvons nous