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différence d’un enfant à un autre sous le rapport de la précocité, qu’on ne nous apprend pas grand’chose en nous disant : « Tel enfant a souri à quarante-cinq jours, tel autre à trois mois seulement. » En multipliant les expériences sur un grand nombre d’enfants, on peut cependant arriver, même pour la question de date, à une moyenne qu’il est utile de connaître. Mais ce qui a un tout autre intérêt, c’est de déterminer par l’observation dans quelles circonstances le sourire se produit, c’est de savoir en général dans quelles conditions et dans quelles formes se réalisent les énergies mentales du nouveau-né. Alors, en effet, nous avons affaire non plus seulement à une chronologie psychologique plus ou moins exacte, mais à de véritables analyses morales, et c’est à ce point de vue que nous voulons examiner quelques-unes des recherches de M. Pérez.


II


On ne réfléchit pas assez aux difficultés que présente pour l’enfant le développement des perceptions sensibles les plus élémentaires. Nous sommes tellement habitués à user sans effort de nos yeux, de nos mains et des divers instruments de nos sensations, que nous ne songeons pas qu’il a fallu au début beaucoup de temps et beaucoup de peine pour les ajuster à leurs fonctions naturelles. Les actes les plus aisés et les plus simples de l’intelligence adulte sont autant de lentes et laborieuses conquêtes de l’enfance. Il y aurait donc un grand intérêt à suivre chez le nouveau-né les acquisitions journalières des sens, et nous regrettons que M. Pérez n’ait pas consacré une étude spéciale à l’organisation progressive, à l’adaptation de ceux d’entre eux qui, comme la vue et l’ouïe, contribuent le plus à former l’esprit. C’est peut-être l’omission la plus grave de son livre, que les sens n’y soient guère considérés qu’au point de vue des plaisirs et des peines qui accompagnent leurs modifications. En effet, après quelques chapitres réservés à la sensibilité proprement dite (plaisir et peine) et à la motricité sous toutes ses formes, le chapitre VI, qui traite des facultés intellectuelles, nous introduit d’emblée dans l’étude de la conscience et de l’attention. Il n’est pas question de la perception sensible, et cependant la physiologie contemporaine que M. Pérez aime à consulter lui eût fourni sur ce point de nombreuses et utiles données.

Du moins, la nature des premières émotions sensibles est étudiée avec grand soin, et l’auteur sait à merveille ce que le nourrisson aime et n’aime pas. De toutes les impressions agréables et désa-