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nolen. — les nouvelles philosophies en allemagne.

aux méthodes et aux principes du physicien, et commente avec complaisance le célèbre aphorisme de Dubois-Reymond, l’ignorabimus, qui mit en émoi et passionne encore le monde savant d’outre-Rhin.

La psychologie ne peut, selon Lange, essayer qu’une explication empirique du cours des phénomènes intellectuels et moraux : la méthode analytique de la psychologie associationiste ne conduit à aucune certitude scientifique. L’observation de conscience ne mérite pas cependant la condamnation absolue dont Comte avait prétendu la frapper ; et sa valeur pratique ne permet pas d’en abandonner l’emploi. La science véritable des phénomènes psychologiques ne pourra se construire qu’à l’aide de la méthode somatique, c’est-à-dire que par l’usage industrieux et constant des procédés et des résultats de la physiologie, qu’à l’aide des méthodes de la psycho-physique[1]. Hartmann ne s’exprime pas aussi nettement que Lange sur la méthode des études psychologiques. Il n’est ni hostile ni étranger aux nouveautés de la psychologie physiologique ; et, comme le montrent surtout les additions faites à la septième édition, il attend beaucoup de ce que Lange appelle la méthode somatique pour la solution des problèmes de la vie spirituelle. Mais les interventions de l’Inconscient dans les processus de l’activité psychique, et les principes de l’association des idées sont trop souvent invoqués par lui, pour qu’on puisse méconnaître les différences profondes de méthode qui le séparent de Lange. Dühring est encore moins soucieux peut-être que Hartmann d’exposer avec clarté et avec conséquence ses vues sur l’étude des faits psychiques. L’explication mécanique et l’explication téléologique sont constamment mêlées par lui d’une façon indiscrète. En somme, la critique de la connaissance et des méthodes des diverses sciences a préoccupé beaucoup moins Hartmann et Dühring que Lange.

De même, à propos de la certitude de l’existence du monde extérieur, l’une des questions capitales de la théorie de la connaissance, Dühring ne semble pas soupçonner qu’il y ait là des difficultés à résoudre, ni même un problème à se poser. Hartmann, bien que mieux préparé par son idéalisme ou son réalisme transcendantal à comprendre et à mesurer les difficultés de la question, la résout par un acte de foi dans la sagesse de l’Inconscient, dans l’autorité infaillible de l’instinct, à peu près comme Descartes écartait l’hypothèse de son démon malin. Le génie critique de Lange fait effort pour se tenir à égale distance du dogmatisme vulgaire et du mysticisme spéculatif. Il ne voit dans le monde matériel qu’une classe de nos

  1. Id., p. 117.