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REGNAUD. — ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE 59^

VOUS, qu'un éléphant vous met en fuite, que vous tombez dans un précipice ; mais quand on s'imagine qu'on est dieu , qu'on est roi, qu'on est l'univers, on est alors en possession du monde suprême *. »

La Praçna-Upmiishad, IV, 6, caractérise en ces termes l'état de profond sommeil :

« Lorsque ce dieu (le manas) estsous la domination du ^e/as 2, alors il ne voit plus de rêves ^ ; alors ce bonheur * est goûté dans ce corps. »

Pourtant, d'après la Chândogya-Upanishad, c'est dans le prâna que, durant le sommeil, tous les sens se concentrent :

« Quand on dort, la parole se retire dans le prâna, la vue se retire dans le prâna, l'ouïe se retire dans le prâna, le manas se retire dans le prâna, car le prâna absorbe tous les organes. »

La Kauskîtaki-Up., III, 3, expose la même théorie psychologique :

« Quand l'homme est endormi et ne voit point de rêves, il s'unifie dans le prâna. Alors la parole entre en lui (dans le prâna) avec tous les noms ; la vue entre en lui avec toutes les formes (ou toutes les couleurs) ; l'ouïe entre en lui avec tous les sons ; le manas entre en lui avec toutes les pensées.

« Quand il (l'homme) s'éveille, de même que d'un feu enflammé les étincelles s'élancent dans toutes les directions, de même les prânas quittent l'âtman pour occuper le siège qui leur est assigné, les dieux (les sens) quittent les prânas, et les lokas (les objets des sens) quit- tent les dieux. »

La Pragna-Up. IV, 2, seule, fait opérer ce phénomène au sein du manas :

c( De même que tous les rayons du soleil se réunissent à son disque lumineux au moment où il se couche, et qu'ils se projettent (en dehors de lui) au moment où il se lève, — de même tout cela ^ se réunit au manas, qui est le dieu suprême ^. Par là, donc, l'homme n'entend plus, ne voit plus, n'odore plus, ne goûte plus, ne touche plus, ne parle plus, ne prend plus (avec les mains), n'a plus de

1. Les impressions qui font croire dans le rêve qu'on est tué, qu'on est maî- trisé, etc., résultent de l'ignorance, dont l'effet est d'inspirer à l'âme l'idée qu'elle est limitée, finie et par conséquent susceptible des modifications que comportent ces différents états; les impressions d'après lesquelles on se croit identifié à l'univers dérivent au contraire de la science et de l'idée de la vraie nature de l'âme qui est infinie. (Çank.)

2. Quand il est complètement au pouvoir de l'intelligence lumineuse {tejas) qui réside dans les veines du cœur, et quand les impi'essions recueillies anté- rieurement sont écartées. {Çank.)

3. Il est dans l'état de profond sommeil. (Çank.)

4. Le bonheur qui consiste dans la connaissance absolue. (Çank.)

5. Les sens et leurs objets. {Çank.)

6. Parce qu'il est la source des autres dieux, c'est-à-dire des sens. (Çank.)

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