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dastre.le problème physiologique de la vie

faut chercher dans l’élément la clef des complexus phénoménaux.

Voilà le but. Voyons les étapes de la route.

La première étude qui s’offre à nous est celle de la substance vivante, du protoplasma, matière première de l’élément anatomique, masse granuleuse sans forme dominante, où s’incarne la vie à son degré le plus simple, dépouillée des accessoires qui la masquent dans la plupart des êtres, la vie dans ce qu’elle a de persistant et d’universel, la vie à l’état de nudité. Les rouages de tout organisme vivant, les cellules, nous représentent seulement des moulages différents de cette matière unique, identique dans les animaux et les plantes. On a cru, à la vérité, pouvoir distinguer deux espèces de protoplasma, le protoplasma incolore des animaux et le protoplasma vert des plantes, et on leur a attribué des propriétés inverses. Cl. Bernard, en se fondant sur des faits indiscutés, analyse, critique et repousse finalement cette opinion. Les lecteurs qui ont suivi les discussions académiques savent combien ce chapitre de la physiologie générale a reçu de développements dans ces dernières années des chimistes et des naturalistes.

Le protoplasma est une substance définie par sa composition chimique et son arrangement physique, plutôt que par sa figure ; c’est une matière indépendante de toute forme, amorphe ou plutôt monomorphe ; en sorte que, contrairement à la pensée d’Aristote, l’on peut dire que la vie est indépendante de toute forme spécifique. La notion morphologique est donc une complication de la notion vitale. Le protoplasma, en effet, n’est pas seulement la substance des éléments anatomiques chez les animaux et les plantes ; il ne forme pas seulement l’ovule primordial, le protovum, état primitif et transitoire d’un organisme plus élevé, il forme aussi, à lui seul, des êtres vivants, isolés, complets, les monères, si bien étudiés par Huxley, Cienkowski et Haeckel. C’est entre le monde extérieur et lui que se produit le conflit vital. En lui résident les propriétés essentielles intrinsèques : l’irritabilité, point de départ et forme rudimentaire de la sensibilité, la faculté de génération ; la contractilité, la faculté de synthèse chimique, en un mot tous les attributs essentiels dont les manifestations vitales chez les êtres supérieurs ne sont que des expressions diversifiées et des modalités particulières.

Ce protoplasma universel n’est pourtant pas un simple principe immédiat de la chimie ; il a une origine qui nous échappe : il est la continuation du protoplasma d’un ancêtre. C’est une substance atavique que nous ne voyons pas naître, que nous voyons seulement continuer. L’être élémentaire est aussi bien que l’être complexe engagé dans une sorte de trajectoire idéale, qui le fait passer à la