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Le commentaire de Çankara sur le Sûtra iv, 3, 14 est consacré à une longue et subtile polémique contre les arguments que Jaimini, le fondateur de la karmamîmâmsâ ou de la doctrine religieuse d’après laquelle la délivrance résulte du sacrifice et de l’observation des rites védiques, oppose à cette manière de voir. D’après lui, c’est de Brahma suprême que les textes sacrés entendent parler quand ils disent que le purusha mânava fait passer les âmes individuelles à Brahma. Nous ne retiendrons de cette discussion que la définition suivante des deux Brahmas : « Quand on parle de l’être qui n’a aucune qualité matérielle, avec exclusion des distinctions de nom et de forme auxquelles l’ignorance a donné naissance, c’est de Brahma suprême qu’il s’agit. Mais quand, afin d’offrir un objet (concret) au culte des hommes, on désigne cet être avec les épithètes : « Il est fait de manas, il a le prâna pour corps, il est brillant, etc. », et qu’on le distingue à l’aide de qualités fondées sur le nom et la forme, il est question alors de Brahma inférieur[1]. »

D’après les Sûtras iv, 3, 15 et 16, le purusha mânava ne conduit au Brahmaloka que les âmes de ceux dont l’adoration a eu pour objet les modifications (vikâra) de Brahma ou qui ont célébré le sacrifice dont Brahma est l’objet (brahmakratu) ; il en exclut ceux qui ont adressé leur culte à des représentations, à des images (pratîkca). Ceux-là, d’après la glose de Govinda-Ananda, ne dépassent pas les éclairs[2]. Ces conclusions sont à induire de différents textes sacrés que Çankara rappelle dans son commentaire.

Le Sûtra iv, 4, 1, constate que c’est sous la forme d’âme suprême (âtmamâtrena) que les âmes individuelles prennent possession des lieux de jouissance, tels que le Devaloka, etc., où elles arrivent par le devayâna.

Le Sûtra iv, 4, 4, a pour objet d’établir qu’en cet état l’âme du délivré s’unit à l’âme suprême.

D’après les Sûtras suivants (iv, 5-7), les avis sont partagés quant à savoir si l’âme du délivré unie à l’âme suprême participe à ses qualités. Selon Jaimini, l’âme individuelle acquiert dans cette union les qualités de l’âme suprême, à savoir l’absence de péchés, la propriété de n’avoir que de vrais désirs, des désirs qui se réalisent (satijasamkalpa), l’omniscience et la toute-puissance. D’après Audulami, l’âme individuelle jouit de la seule qualité de l’âme suprême, c’est-à-dire

  1. Yatrâvidyâkrtanâmarûpâdiviçeshapratishedhenâsthûlâdiçabdair brahma vyapadiçyate tat param. Tad na yatra nâmarûpâdiviçeshena kenacit viçishtam upâsanâyopadiçyate manomayah prânaçarîro bhârûpah ity âdiçabdais tad aparam.
  2. Teshâm(pratîkadhyâyinâm) vidyutparyantam eva gamanam astu na brahmaprâptih.