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analyses. — andré lefèvre. La Philosophie.

la justice : « une conception du monde, physique, expérimentale, qui verse dans l’anthropomorphisme dualiste ; une psychologie sensualiste, qui conclut, sans preuve aucune, à la liberté absolue de l’âme ; une morale conforme à la nature, qui supprime les passions et la société c’est-à-dire les conditions naturelles de la morale, un panthéisme athée et mystique à la fois, un mélange hybride de toutes les idées contradictoires. » En revanche, dans la doctrine d’Épicure, tout est simplicité, clarté, unité. Épicure a eu sur Démocrite l’avantage d’éviter l’impasse de la vérité en soi. La déclinaison, qu’on lui reproche d’avoir imaginée, n’est autre chose que l’affinité et l’ondulation. En morale, il a méconnu, lui aussi, que l’action est la loi de la vie. Mais, malgré cette infidélité aux principes de la méthode expérimentale, il a eu l’honneur de la fonder en proclamant que la sensation, immédiate ou gardée dans la mémoire, partielle ou généralisée par l’anticipation, est l’origine de toute connaissance.

Temps intermédiaires. — Sur les temps intermédiaires, qui comprennent « la décadence gréco-orientale et chrétienne », nous sommes forcés de glisser avec une extrême rapidité. On ne peut bien comprendre que les doctrines avec lesquelles on sympathise dans une certaine mesure ou, à tout le moins, auxquelles on reconnaît une certaine valeur théorique : or, après les Néo-Pyrrhoniens, ces ancêtres du positivisme, qui représentent l’esprit de la philosophie expérimentale, mais qui se contentent « d’écarter la métaphysique, sans la détruire », nous ne rencontrons plus guère que des doctrines où l’idéalisme déborde, et l’on ne saurait demander à M. Lefèvre d’être plus ouvert aux Néo-Platoniciens qu’à Platon, ni indulgent pour les Pères de l’Église ou pour la scolastique. Notons cependant les pages naturellement élogieuses, et par cela même plus instructives, qu’il a consacrées à Averroès, à Roger Bacon, au nominalisme, qui font luire quelques éclairs dans la nuit du moyen âge. De cette longue nuit, c’est le christianisme qu’il rend responsable. Il a, au surplus, une telle horreur pour tout ce qui « exhale une odeur de déisme et de religiosité », que Luther même et Calvin ne trouvent point grâce à ses yeux : les Charron, dit-il, ont rendu de plus réels services à l’humanité.

Au seuil des temps modernes apparaît Giordano Bruno, dont l’auteur fait, comme l’Église, un athée, pour cette raison déjà connue que « panthéisme équivaut à athéisme ».

Age moderne. — Passons le parallèle obligé entre Bacon et Descartes. M. Lefèvre nous paraît placer le premier un peu trop haut, le second, en revanche, un peu bas. Néanmoins, il n’est pas aussi défavorable à ce dernier qu’on pourrait le croire. Il admire même son système « matérialiste » du monde, auquel, selon lui, sa métaphysique est artificiellement superposée. Mais enfin Descartes a beaucoup trop accordé à l’a priori : ce n’est pas de lui que procèdent la science et la philosophie modernes.

Hobbes au contraire, bien qu’il ait attribué une importance peut-être