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chologue peut se borner à faire, en quelque sorte, l’inventaire de la conscience ; quand il a énuméré, caractérisé, classifié et ramené à leur origine les divers sentiments, son but est atteint. C’est ainsi qu’ont procédé Descartes (dans son Traité des passions), Reid, Dugald Stewart, Garnier, Bain, Horwicz. Pour le moraliste, ce n’est là qu’une étude préparatoire dont il peut même laisser le soin à d’autres : ce qui importe, c’est d’apprécier la valeur morale de chacun de ces mobiles de la volonté, de les ranger d’après l’ordre de mérite, suivant l’importance du rôle qu’ils doivent jouer dans la vie. « Aucune des formes que peut revêtir la conscience morale, dit M. de Hartmann, n’est entièrement dépourvue d’une valeur positive ; mais cette valeur n’est que relative : elle manifeste sous l’œil du critique son insuffisance et par suite la nécessité de compléter le principe. Cette nécessité pousse la conscience à rechercher d’elle-même le principe complémentaire le plus voisin et la mène ainsi au degré immédiatement supérieur de son évolution. La même marche se reproduit à chaque degré successif, jusqu’à ce qu’enfin la conscience atteigne le principe le plus élevé, qui embrasse tous les autres et qui est affranchi de toute étroitesse et de toute insuffisance. » (XI.) Ce que nous contestons, c’est que la conscience soit « par elle-même » capable de discerner l’insuffisance de tel ou tel principe et le complément qu’il réclame ; elle a besoin d’être dirigée, si l’on ne veut pas qu’elle erre au hasard ; sa critique exige un critérium. Or ce critérium, nous n’avons pas à le chercher bien loin. « Le prix de chacun des principes inférieurs, aux yeux de la conscience morale, nous dit l’auteur, est en proportion de sa valeur téléologique. » Qu’est-ce à dire, sinon que la théorie de la finalité, qui n’est exposée que comme couronnement de la morale rationnelle, était sous-entendue dans toutes les recherches antérieures sur les morales de l’égoïsme, de l’autorité, du goût, du sentiment ? Alors n’eût-il pas été plus simple, plus sincère d’établir la loi avant de l’appliquer ? La théorie de l’identité du bien et de la fin ne devait-elle pas précéder toute cette longue partie critique où elle est sans cesse invoquée d’une manière détournée et qui reste, sans elle, un rébus inintelligible ?

Ici donc, l’ordre artificiel où sont disposées les matières ne doit pas faire illusion ; le fond emporte la forme ; l’induction n’est qu’à la surface, la déduction est à la racine de tout le développement. Confirmons cette appréciation par deux exemples.

M. de Hartmann présente le pessimisme et le monisme comme des postulats de la conscience, renfermés dans ses exigences particulières. Il n’en est rien, et l’on ne découvre ces belles choses dans la conscience que si l’on a commencé par les y mettre. Le pessimisme,