Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/655

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
649
straszewski. — herbart, sa vie et sa philosophie.

cette manière de renverser l’architectonique du système, mais il n’attaque pas la base : il reste fidèle au caractère qui y domine.

Écoutons maintenant ce qu’il nous confesse dans ses remarques sur la dissertation de Rist, « Des idéaux éthiques et esthétiques ». Celui-ci avait tenté de prouver qu’il peut être question uniquement d’un idéal théorique, jamais d’un idéal pratique, car ce dernier ne pourrait être autre chose qu’un être supérieur en perfection à tous les autres, et qui par cela même poserait une limite d’un côté à la possibilité du perfectionnement du non-moi, de l’autre à sa faculté de réagir sur le moi. Or il se trouve qu’il serait impossible de se figurer autrement l’essence de l’homme, qu’en action continuelle à la fois intérieure et extérieure. Herbart ne s’oppose pas en général à ce raisonnement ; il désire aussi que l’infinité des tendances et la diversité innombrable des impulsions au dehors du moi ne soient jamais limitées. Mais ce qu’il ne partage pas avec Rist, c’est que la conception même de l’infini soit contraire à sa conservation. Ici se présente un côté curieux de la critique de Herbart, car il répand une clarté nouvelle sur la genèse de sa philosophie : l’infini, observe Herbart, fait aussi partie de f idée du moi et ne disparaîtra pas cependant parce qu’il aura été pensé par lui. J’épuise, dit-il, l’infini en concevant qu’il se trouve en moi, en me représentant moi-même comme sujet dans un cercle infini. L’unité et l’infini ne s’excluent donc pas mutuellement chez Herbart. Ce point de départ accepté, il va plus loin et démontre que l’idée du moi et par conséquent le premier principe de la philosophie fichtéienne est déjà une synthèse primitive. L’idée du moi contient la représentation de soi-même ; elle unit donc deux choses différentes, et par cela même elle est une synthèse. Qu’il en résulte un cercle infini, ceci n’y fait rien, et prouve seulement que le principe fondamental de la philosophie fichtéienne repose sur un cercle infini, franchement avoué et inévitable. Le moi renferme donc l’infini ; je l’épuise, je le réduis, je f unis dans l’idée du moi, et je dis que je suis celui qui suis forcé de me représenter moi-même sous une infinité de manières. — Malgré son accord apparent avec la philosophie de Fichte, tout ce raisonnement témoigne d’un progrès graduel, mais immense, dans le développement intellectuel de Herbart. Dans la dissertation précédente, il ne s’était occupé que du second principe de cette philosophie, le premier lui paraissant incontestable ; ici, il se permet déjà d’y réfléchir, de l’analyser même scrupuleusement, tout en l’acceptant encore. Et c’est un fait avéré, que la philosophie de Fichte ainsi que tous les systèmes analogues ne peuvent se maintenir que tant que leur premier principe fonda-