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toujours par ces mêmes forces, le développement des diverses espèces de corps. Nous appellerons les premières formelles ou abstraites ; les secondes, historiques.

Sans espérer donner des sciences philosophiques une définition aussi claire, aussi incontestée, précisons, du moins, ce que nous convenons d’entendre sous ce nom, en déterminant l’objet de chacune d’elles. La psychologie cherche à démêler, comme la physique et la chimie le font pour les faits physiques, les éléments simples, les lois universelles des faits psychiques. Mais les faits psychiques ne sont pas des phénomènes comme les autres : ils ont une valeur logique, esthétique, morale ; c’est-à-dire qu’ils déterminent, sous ce triple point de vue, le rapport de l’esprit aux objets. De là trois autres sciences, qui envisagent les faits psychiques sous un nouvel aspect et ont à se prononcer sur la vérité des représentations, la beauté des sentiments, la bonté des déterminations.

La logique, l’esthétique et la morale ont toujours été réunies avec la psychologie sous le nom de sciences philosophiques. Il reste encore à nous entendre sur la métaphysique.

Les sciences, dont nous venons de nous occuper, n’épuisent pas le besoin de connaître de l’esprit. Elles n’embrassent pas toute la réalité ; elles n’en éclairent ni l’origine ni la fin ; elles n’en pénètrent pas le fond. Combler ces lacunes de la connaissance, tel est l’objet de la métaphysique. Par là, elle se rapproche des autres sciences : des sciences physiques et psychologiques, dont elle rassemble en un tout harmonieux les données éparses et contradictoires ; de la logique, qui l’aide à démêler par la théorie de la connaissance le mensonge de la réalité sensible ; de l’esthétique et de la morale, dont les principes du beau et du bien lui servent de mesure pour apprécier la valeur de ses propres hypothèses. On s’explique, par ces relations plus étroites de la métaphysique avec les sciences philosophiques, qu’on l’ait toujours comprise avec elles sous la même dénomination.

Cette définition de la science et de la philosophie répond bien, au fond, à la pensée de Kant, auquel il faut faire remonter comme à sa source tout le courant de la philosophie allemande de notre siècle, si l’on veut en comprendre les mouvements successifs et la direction finale que nous nous proposons plus particulièrement d’expliquer.

L’idée maîtresse de la philosophie kantienne, c’est de déterminer la part de l’esprit dans la connaissance et de n’accorder aux formes à priori de la pensée aucune valeur théorique en dehors de l’expérience sensible. Elle rompt par là avec tout le dogmatisme métaphysique du passé et ouvre à la pensée une voie entièrement nouvelle.

Mais Kant a compromis lui-même le succès de la révolution que la doctrine critique était destinée à produire dans les habitudes séculaires de la spéculation philosophique, par les obscurités et par les contradictions d’idées et surtout de langage que présentent les trois critiques. Ses déclarations incertaines sur l’existence et la nature de la