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métaphysique. La philosophie de Lotze proclame et démontre, dans toute leur étendue, les droits du mécanisme scientifique. L’univers entier est soumis aux lois du mouvement ; et le monde des vivants ne saurait pas plus s’en affranchir que celui de la matière brute. Mais le mécanisme n’est que l’instrument de la finalité. Comme dit Leibniz, le règne des causes efficientes prépare et sert docilement celui des causes finales. Ni l’idéalisme hégélien, ni le positivisme matérialiste ne suffisent à l’explication des choses : il faut les compléter l’un par l’autre. On peut accorder à la science que le monde physique se résout en une multitude infinie d’atomes, d’éléments simples et immuables ; mais ces atomes, au regard du philosophe, sont des unités dynamiques, des centres de forces, des analogues de l’âme, des monades on un mot. Ces unités vivantes produisent le monde de la matière par le jeu inconscient de leurs énergies représentatives ; le mystère de ces subtiles constructions échappe à notre science, qui ne s’exerce que sur les représentations que la conscience éclaire. L’accord des représentations, conscientes ou inconscientes, des monades ne s’explique qu’autant qu’elles sont toutes dépendantes, disons mieux dérivées d’un seul et même principe ; il faut les regarder comme les modifications d’une monade infinie. Ce qui n’est en regard de cette dernière qu’un ordre purement intellectuel entre les représentations devient pour l’œil grossier des créatures l’ordre sensible des temps et des lieux. De même, ce que la conscience de la créature attribue à l’individu est rapporté par la raison à l’être universel, sans que la personnalité de l’un soit un obstacle à la personnalité de l’autre. La seule différence qui les sépare est celle que met entre eux l’opposition du fini et de l’infini : la monade absolue est affranchie de la matière et par suite de l’imperfection ; la monade finie trouve dans la matière le principe même de son individualité. Le fond de toute réalité, ce n’est ni la matière, comme le prétend le matérialisme, ni l’idée, comme le soutient la dialectique hégélienne, mais la personnalité vivante de l’absolu, et le monde des esprits et des personnes finis, qui n’existe que dans et par l’esprit infini.

Ce rapide exposé permet de comprendre la commune opposition que font et Fechner et Lotze au matérialisme comme au spiritualisme, sous leurs formes traditionnelles. Leur doctrine pourrait s’appeler un absolutisme, c’est-à-dire une philosophie de l’être absolu, qui nous apprend à ne voir dans le monde des esprits comme dans celui des corps que deux manifestations corrélatives, que deux aspects différents mais inséparables d’un seul et même absolu.

Ces profonds enseignements, où sont conciliés, dans leurs propositions les plus solides et les plus durables, l’idéalisme métaphysique du passé et le mécanisme scientifique du présent, n’étaient faits ni pour plaire aux disciples de Hegel, ni pour satisfaire les savants. Ils étaient trop mécanistes pour les premiers, trop spéculatifs pour les autres.

Malgré l’insuccès de la tentative de Fechner et de Lotze, le besoin