Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
133
a. debon. — localisations psychologiques

nous pouvions les reproduire, nous feraient voir, comme autant d’objets de la conscience de l’enfant, tous ces intermédiaires devenus imperceptibles pour la conscience de l’homme fait. »

La théorie n’a point plu à M. Wundt[1], qui a essayé de la corriger en la complétant. Le mérite principal du savant physiologiste a été de restituer aux mouvements actifs une part essentielle dans toute localisation primitive. M. Wundt distingue avec raison les signes locaux ou sensations manifestées à la suite des mouvements passifs, et ce qu’il appelle les sensations d’innervation, qui accompagnent les mouvements actifs. Ni les unes ni les autres ne pourraient, prises isolément, engendrer la notion d’espace ; mais cette notion, dit M. Wundt, loin d’être un acte idéal de l’esprit, est le produit de la combinaison des sensations de mouvement avec les signes locaux ou sensations périphériques. « L’idée ordinaire d’une synthèse, en effet, implique un produit nouveau qui n’existait pas encore dans les éléments constitutifs. De même que dans le jugement synthétique un nouveau prédicat est attribué au sujet, de même que dans la synthèse chimique il se produit une combinaison qui a des propriétés nouvelles, de même la synthèse psychique nous donne, comme nouveau produit, un ordre des sensations dans l’espace. » (Psychol. allem., page 248.)

Les deux doctrines dont nous venons de parler, malgré leur dissemblance profonde et la diversité des explications de détail, sont sœurs l’une de l’autre. Toutes deux se proposent, l’une avec des ménagements infinis, l’autre hardiment, d’expliquer « la formation de la notion d’espace » en la rattachant à des éléments définis de l’expérience. Toutes deux, quoi qu’en puisse dire M. Lotze, sont des théories empiriques de l’idée d’espace. Certes M. Lotze a soin de nous avertir que cette notion ne saurait être tirée d’aucune déduction logique ni d’aucune donnée simple ou composée de l’expérience. Elle est une « véritable reconstruction » faite par l’âme à la suite des impressions venues du dehors : « à l’aide de ces impressions intensives, l’âme doit créer de toutes pièces non pas un espace réel, mais cette intuition d’une étendue dans laquelle elle attribuera aux images des différents objets les positions qui leur conviennent. » Si donc il y a genèse de la notion d’espace, ce n’est en tout cas qu’une genèse idéale, bien que rattachée presque exclusivement à l’origine aux sensations visuelles. À notre sens, c’est déjà trop dire et parler, malgré toutes les réserves qu’on voudra, le langage de

  1. Voyez l’article de M. Wundt, Revue philosophique, septembre 1878, et Psychol allemande contemp., ch. VII, § 4.