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Mais il est superflu, en vérité, d’insister sur ces côtés de la discussion. Le tort capital des deux conceptions est, en la mêlant, dans une proportion quelconque, à des data objectifs, à des éléments de l’expérience sensible, d’adultérer la notion d’espace ; elle ne fait que les effleurer et les toucher par un point avec M. Lotze ; elle les pénètre, selon M. Wundt, ou plutôt elle en est toute pénétrée.


II


Du moment où les explications physiologiques et empiriques sont reconnues insuffisantes, c’est une nécessité pour nous de recourir à l’observation subjective ; peut-être la méthode de la psychologie pure, éclairée par tant d’efforts, nous permettra-t-elle de résoudre le problème. Celui-ci implique, d’après ce qu’on vient de voir, diverses questions difficiles : Comment l’intuition d’espace, forme à priori de toute connaissance sensible, nous est-elle donnée en expérience ? Quel est le rôle joué par les signes locaux, et en quel sens faut-il parler de sensations périphériques ? Y a-t-il des localisations primaires, d’autres secondaires, et de quelle manière l’esprit prend-il connaissance des principales parties de son organisme ?

Il importe d’abord de maintenir à la notion d’espace son caractère d’idéalité transcendantale, conformément aux résultats de la critique ; et, d’autre part, il nous faut trouver un mode de l’expérience interne constamment lié à l’expérience objective, capable de provoquer à l’origine la construction de cette idée à priori et d’en éveiller partout et toujours l’intuition dans la suite de nos expériences externes. Si ce mode d’expérience est tout passif, ou s’il est spécial à l’un de nos sens, comme l’ont cru Lotze et Wundt, il est vain de parler de l’idéalité de l’espace au moment même où l’on en fait l’élément d’une espèce particulière de sensations. Mais, ainsi que l’a démontré un psychologue d’une rare profondeur, le premier mode d’activité du moi est aussi le fait primitif de la connaissance qui se retrouve au fond de toutes les expériences, et de la plus intime de toutes, celle du « Je pense, je veux, j’agis ou je suis ». Toute passive, la sensation ne saurait jamais s’élever au rang d’une connaissance ou d’une idée du moi : elle resterait une idée en puissance. C’est par l’effort spontané, appliqué immédiatement au corps, médiatement aux objets, que le moi se pose et en s’affirmant affirme ses propres impressions ou sensations. Or, Maine de Biran l’a