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a. debon. — localisations psychologiques

périphérique infailliblement suscite la représentation du point tangible ou visible d’où l’excitation est partie. Quand cette synthèse empirique des deux ordres de faits, sensations et sentiments, est achevée, notre corps est plus que le lieu géométrique de notre sensibilité : il nous semble que cette chose colorée, étendue, résistante, solide, soit dans tous ses points et directement sentie. Par une étrange substitution de nos représentations objectives aux sentiments subjectifs, nous croyons que c’est le pied, la main, le cœur qui souffre.

Pour le reste, le développement des localisations repose sur l’action combinée de la vue ou du toucher. Notre corps est aussi, en effet, « une chose exposée à tous nos sens et à la portée de nos mouvements, comme une table, une statue, un fusil de chasse. » (Bain.)

L’explication psychologique proposée ici résout, sans appel à l’inconnu ou à l’innéité, la question de la possibilité et de la forme première des localisations. Elle remonte aux modes primitifs de nos représentations d’étendue et n’emprunte qu’à l’ordre subjectif les éléments de nos localisations fondamentales et de la connaissance originelle de notre corps. L’image de Diderot est trompeuse et fausse ; le moi n’a point besoin, comme l’araignée, de se porter aux limites de son logis pour le connaître, parce que l’espace n’est point en dehors de lui. Mais si le moi restait inerte, sans réagir contre ses propres modifications, il ne les objectiverait jamais : c’est par une série d’efforts volontaires, dans le développement de son activité motrice, qu’il réalise sous forme de représentations son corps, horizon fini de toutes ses sensations, et le monde extérieur, horizon infini de toutes nos impressions sensibles.

Albert Debon.