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g. tarde. — la croyance et le désir

pénibles, c’est-à-dire comme éveillant plus ou moins le désir et l’aversion, soit comme plus ou moins intenses, c’est-à-dire comme éveillant plus ou moins l’attention. Dans le premier cas, nous avons la remarque de Laplace sur les accroissements parallèles et inégalement rapides de la richesse d’un homme et du bonheur qu’elle lui procure. Dans le second cas, on nous apprend, par exemple, quelle différence de vibrations doivent présenter deux notes pour que nous remarquions la différence des deux sensations sonores correspondantes ; ou bien qu’une dépêche sensitive est transmise par le télégraphe de nos nerfs avec une vitesse variable suivant que le cerveau s’attend ou ne s’attend pas à cette transmission, ou que son attention est occupée par une sensation différente. « Nous arrivons, dit M. Ribot, résumant les travaux de nombreux expérimentateurs, à ce résultat général que la reproduction des états de conscience dépend, tout comme leur perception immédiate, de l’état d’effort de l’attention[1]. » Une cloche étant frappée à côté de nous, il s’écoule un certain temps avant que nous percevions le son ; si, en même temps que la cloche est frappée, une étincelle électrique est lancée, les deux sensations nous arrivent ensemble avec un retard notable. Il parait bien probable et presque certain que ce ralentissement est dû au trouble de l’attention qui, condition indispensable de l’existence même des sensations, a deux besognes à remplir. D’autres expériences ne laissent guère de doute sur ce point. Ainsi, sans attention, point de sensation ; et tout ce qui, dans la sensation, est réellement susceptible de plus et de moins, sa durée, son intensité, et en particulier la clarté des sensations visuelles, peut et doit être rapporté à l’attention, à moins de l’être au désir.

Or qu’est-ce que l’attention ? On peut répondre que c’est un effort en vue de préciser une sensation naissante. Mais il faut prendre garde que l’effort, sous son aspect psychologique pur et abstraction faite de toute action musculaire concomitante, est un désir, et que ce qu’on appelle vulgairement une sensation est toujours, sinon, comme Wundt tâche de le démontrer avec tant de force, un simple composé de jugements instinctifs, du moins un mélange d’un faible élément sensitif avec un enchevêtrement de jugements et même de conclusions extrêmement rapides. Ce cheval que nous disons voir au loin, même sans le regarder, nous le jugeons, nous le concluons en réalité, comme les peintres le savent bien. Sa vue, c’est l’attribution instinctivement faite à une impression rétinienne de la possibilité, de la certitude conditionnelle des sensations tactiles, olfactives, sonores,

  1. Voy. Revue philosophique de mars 1876.