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sure, si maniables et si utiles. Il n’en importe pas moins, au point de vue théorique, d’indiquer ce caractère mixte qu’ils n’ont pas voulu voir, comme il convient parfois, en chimie, d’affirmer le pressentiment du corps simple alors même qu’il ne se laisse pas voir et toucher à part de ses combinaisons.

Reprochera-t-on cependant au procédé idéal de mesure ci-dessus indiqué non seulement d’être impraticable, mais d’être fondé sur l’aperception immédiate et d’échapper ainsi à tout contrôle indéniable ? Je ne puis accepter l’objection. Elle atteindrait aussi bien toute science en général et la psychophysique en particulier. N’est-ce pas sur l’aperception immédiate de la coïncidence de deux lignes superposées que toute mesure physique est fondée ? Si cette assimilation parait forcée, je l’écarté ; mais je ferai remarquer que la psychophysique n’est jamais parvenue, en réalité, à mesurer le phénomène interne par le phénomène extérieur qui relève seul du mètre, de la balance et du thermomètre. Pour être autorisé à regarder les accroissements de la sensation comme fonction de ceux de l’excitation, on doit nécessairement tenir pour certain que les premiers sont mesurés indépendamment des seconds. Cela est surtout visible si l’on admet que la sensation grandit plus vite (fatigue musculaire) ou moins vite (intensité lumineuse) que l’excitation. Si la sensation n’était mesurable que par ses excitations externes, elle devrait toujours être jugée 2, 3, 4 fois plus grande quand celles-ci sont devenues doubles, triples, quadruples. On en juge autrement ; donc on croit posséder un mètre de la sensation étudiée à part de ses causes. Comment peut-il être fourni, sinon par la sensation elle-même, ou mieux par l’aperception immédiate, dont il est si facile d’abuser, mais si impossible de se passer ? La première question on psychophysique est donc celle-ci : Y a-t-il des unités psychologiques ? Y a-t-il ou non des phénomènes intimes qui se présentent comme divisibles en parties homogènes, quoique en fait inséparables ? Cette question tranchée affirmativement, il y a lieu ensuite, mais seulement ensuite, de chercher le rapport mathématique qui peut lier ces quantités aux quantités extérieures. Au cours d’une discussion soulevée il y a quelques années, dans la Revue scientifique, par l’argumentation stérilement ironique d’un anonyme, M. Wundt et M. Delbœuf ont reconnu ce point. Le premier (Rev. scient., t. VIII, p. 1018) affirme que « nous avons dans notre a perception immédiate une mesure pour l’égalité des sensations ». Le second, encore plus explicite (p. 1016), s’exprime ainsi : « La sensation ne serait point mesurée par l’amplitude d’un mouvement physiologique… la sensation ne peut être mesurée que par une sensa-