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science tend à disparaître, là où il y a diversité elle tend à se produite.

Mais le raisonnement ne peut donner que des possibilités : l’expérience seule décide. Or il y a des faits qui prouvent l’existence d’une certaine conscience, même dans ces cas extrêmement nombreux, où le malade ne garde aucun souvenir de son accès. « Quelques épileptiques interpellés pendant leur crise d’une manière brusque, avec le ton du commandement, répondent aux questions d’une voix brève et en criant. L’accès fini, ils ne se souviennent ni de ce qu’on leur a dit, ni de ce qu’ils ont répondu. — Un enfant à qui l’on faisait respirer pendant ses accès de l’éther ou de l’ammoniaque dont l’odeur lui était insupportable, criait avec rage : Va-t’en, va-t’en, va-t’en ! et l’accès terminé ignorait qu’il l’eût eu. » — « Quelquefois les épileptiques parviennent, avec beaucoup d’efforts, à retrouver dans leur mémoire plusieurs faits qui se sont produits pendant leur accès, surtout ceux qui ont eu lieu dans les derniers moments… Ils sont alors dans un état comparable à celui où l’on sort d’un rêve pénible. Les principales circonstances de l’accès leur ont d’abord échappé ; ils commencent par nier les faits qu’on leur impute ; peu à peu, ils se rappellent un certain nombre de détails qu’ils semblaient d’abord avoir oubliés[1]. »

Si, dans ces cas, les circonstances permettent d’affirmer qu’il y a eu conscience, nous pouvons croire sans témérité qu’il en est de même dans beaucoup d’autres. Je ne veux d’ailleurs pas soutenir que cela a lieu toujours. Le magistrat dont il a été question plus haut se dirigeait assez bien pour éviter les obstacles, les voitures et les passants : ce qui dénote une certaine conscience ; mais, dans un cas analogue rapporté par Hughlings Jackson, le malade est renversé par un omnibus et manque une autre fois de faire une chute dans la Tamise.

Comment donc expliquer l’amnésie dans les cas où il y a eu des états de conscience ? — Par la faiblesse extrême de ces états. L’état de conscience ne se fixe, en définitive, que par deux moyens : l’intensité, la répétition ; ce dernier moyen se ramène à l’autre, puisque la répétition est une somme de petites intensités. Ici, il n’y a ni intensité ni répétition. Le désordre mental qui suit l’accès me parait tri s bien défini par Jackson lorsqu’il l’appelle « un rêve épileptique ». Un de ses malades, âgé de dix-neuf ans et peu suspect de dogmatiser sur la question, a trouvé spontanément la même expression. « À la suite de son accès, il se coucha. Une fois couché, il dit (par-

  1. Trousseau, Leçons cliniques, t. II, p. 114 ; Falret, loc. cit.