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Th. ribot. — désordres généraux de la mémoire

tions : ou bien que l’enregistrement des états antérieurs est effacé ; ou bien que, la conservation des états antérieurs persistant, leur aptitude à être ravivée par des associations avec le présent est anéantie. Nous sommes hors d’état de décider pertinemment entre les deux hypothèses.

Le deuxième type morbide, peu fréquent, est représenté par les cas de Sharpey et de Winslow (l’observation de Dunn forme une transition vers le groupe des amnésies intermittentes). Ici le travail de destruction est complet, la mémoire sous toutes ses formes — organisée, semi-organisée, consciente — est abolie : c’est l’amnésie complète. Nous avons vu que les auteurs qui l’ont décrite comparent le malade à un enfant et son esprit à une table rase. Cependant ces expressions ne doivent pas être prises au sens rigoureux. Les cas de rééducation que nous avons relatés montrent que, si toute l’expérience antérieure est anéantie, il reste cependant dans le cerveau quelques aptitudes latentes. L’extrême rapidité de la nouvelle éducation, surtout dans les derniers temps, ne s’expliquerait pas sans cela. Les faits portent invinciblement à croire que ce retour, qui paraît l’œuvre de l’art, est surtout l’œuvre de la nature. La mémoire revient, parce qu’aux éléments nerveux atrophiés succèdent avec le temps d’autres éléments qui ont les mêmes propriétés primitives et acquises que ceux qu’ils remplacent. Ceci démontrerait encore la relation qui existe entre la mémoire et la nutrition.

Enfin, — car toutes les observations d’amnésie ne se laissent pas réduire à une seule formule, — dans les cas où la perte et le retour de la mémoire sont brusques, il est difficile de ne pas voir l’analogue de ces phénomènes d’arrêt de fonction ou d’ « inhibition » que la physiologie étudie actuellement avec ardeur et dont on sait si peu de chose.

Nous n’indiquons ces conclusions qu’en passant. Il serait prématuré de nous y arrêter maintenant. Continuons notre revue des faits, en étudiant les amnésies périodiques.


II


L’étude des amnésies à forme périodique est bien plus propre à mettre en lumière la nature du moi et les conditions d’existence de la personne consciente qu’à nous montrer le mécanisme de la mémoire sous un aspect nouveau. Elle constitue un chapitre intéressant