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Th. ribot. — désordres généraux de la mémoire

pleinement consciente qui est coupée en deux parties qui ne se mêlent jamais et s’ignorent réciproquement : c’est même cette mémoire semi-organique, semi-consciente qui permet de parler, de lire et d’écrire. L’observation ne nous apprend pas si cette scission de la mémoire s’est étendue même aux formes purement organiques, aux habitudes ; si la malade a été obligée, par exemple, de rapprendre à se servir de ses mains pour les besognes les plus vulgaires (manger, s’habiller, etc.). Même en supposant que ce groupe d’acquisitions soit resté intact, la séparation en deux groupes tranchés et indépendants est encore aussi complète qu’un observateur difficile peut le souhaiter.

Le Dr Azam a relaté un fait qui se rapproche du précédent, quoique beaucoup moins net. La mémoire normale disparaît et reparaît périodiquement. Dans l’intervalle, il ne se forme pas une mémoire nouvelle ; mais le malade conserve quelques faibles débris de l’ancienne. C’est du moins ce que l’on peut inférer d’une observation dont les détails psychologiques ne sont pas toujours précis[1]. Il s’agit d’un adolescent qui, à la suite d’accidents hystériques ou choréiques, perd complètement la mémoire du passé ; il a oublié tout ce qu’on lui a enseigné, ne sait plus lire, ni écrire, ni compter, et ne reconnaît plus les personnes qui l’entourent, sauf son père, sa mère et la religieuse qui le soigne. On voit cependant que, tant que dure cette amnésie (et elle dure d’ordinaire un mois), le jeune homme peut monter à cheval, conduire une voiture, vivre de la vie ordinaire et dire très régulièrement ses prières au moment convenable. La mémoire revient en général brusquement. — Autant qu’on en peut juger, ce qui se produit ici, c’est une suspension périodique de la mémoire sous ses formes instables et demi-stables ou, si l’on préfère, conscientes et demi-conscientes (la conscience étant en général en raison inverse de la stabilité). Mais tout ce qui est mémoire organisée, routine, n’est pas entamé ; les dernières assises de la mémoire tiennent bon. Je ne veux d’ailleurs pas insister sur une observation qui est trop écourtée pour l’interprétation psychologique.

II. Une deuxième forme moins complète et plus fréquente de l’amnésie périodique est celle dont le Dr Azam nous a donné une description si intéressante dans le cas de Félida X… et dont le Dr Dufay a rencontré l’analogue chez l’une de ses malades. Ces cas sont si connus et les documents originaux sont si faciles à consulter qu’il suffira de les résumer en quelques mots.

  1. Revue scientifique, 22 décembre 1877. Il y est dit par exemple que, pendant un de ses accès, le malade o peut causer avec intelligence et vivacité, sans avoir cependant recouvré la mémoire » ( ? ?).