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Une femme, hystérique, est atteinte depuis 1856 d’un singulier mal qui la fait vivre d’une double vie, passer alternativement par deux états que M. Azam désigne sous les noms de « condition première » et « de condition seconde ». Si nous prenons cette femme dans son état normal ou condition première, elle est sérieuse, grave, réservée, laborieuse. Subitement elle parait prise de sommeil, elle perd la conscience, et, quand elle revient à elle, nous la trouvons en condition seconde. Dans ce nouvel état, son caractère a changé : elle est devenue gaie, turbulente, Imaginative, coquette. « Elle se souvient parfaitement de tout ce qui s’est passé pendant les autres états semblables qui ont précédé et pendant sa vie normale. » Puis, après une période plus ou moins longue, elle est de nouveau prise de torpeur. Quand elle en sort, elle se retrouve dans sa condition première. Mais, dans cet état, elle a oublié tout ce qui s’est passé dans sa condition seconde ; elle ne se souvient que des périodes normales antérieures. Ajoutons que, à mesure que la malade avance en âge, les périodes d’état normal (condition première) deviennent de plus en plus courtes et rares et que la transition d’un état à l’autre qui durait autrefois dix minutes se fait maintenant avec une rapidité insaisissable.

Tels sont les traits essentiels de cette observation. En vue de notre étude spéciale, elle peut se résumer en quelques mots. La malade passe alternativement par deux états : dans l’un, elle a toute sa mémoire ; dans l’autre, elle n’a qu’une mémoire partielle formée de tous les états de même nature qui se soudent entre eux.

Le cas de la malade de Blois rapporté par le Dr Dufay est analogue : pendant la période qui correspond à la « condition seconde » de Félida, la malade « se rappelle les plus petits faits, qu’ils aient eu lieu à l’état normal ou pendant l’état de somnambulisme. » Il y a aussi le même changement de caractère, et, pendant sa période de mémoire complète, la malade qualifie son état normal « d’état bête[1] ».

Il importe de remarquer que, dans cette forme de l’amnésie périodique, il y a une partie de la mémoire qui n’est jamais atteinte, qui subsiste dans un état comme dans l’autre. « Dans ses deux états, dit le Dr Azam, la malade sait parfaitement lire, écrire, compter, tailler, coudre. » Il n’y a pas ici, comme dans le cas de Macnish, une scission complète. Les formes demi-conscientes de la mémoire coopèrent également aux deux formes de la vie mentale.

III. Pour terminer notre exposé des divers modes d’amnésie pé-

  1. Pour les détails, voir Azam, Revue scientifique, 1876, 20 mai, 10 septembre : 1877 : 10 novembre : 1879. 8 mars ; et Dufay, Ibid. 15 juillet 1876.