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e. beaussire. — du droit naturel.

points, sans souci de l’ordre existant et des traditions du passé, tout ce que peut embrasser un tel idéal. On peut admirer cette prétention, on peut la condamner, on peut, ce qui vaut mieux, reconnaître les causes qui, dans le décri de toutes les institutions de l’ancien régime, la rendirent presque inévitable ; mais l’explication la plus défavorable et le jugement le plus sévère prouveraient seulement qu’il était insensé ou criminel de soulever à la fois toutes les questions et de faire passer violemment des théories dans les faits des solutions fausses ou hâtives ; ils ne prouveraient rien contre les questions elles-mêmes.

Ni la Révolution française, ni les autres révolutions ne se sont faites uniquement sur des questions de droit naturel ; tous les intérêts de l’ordre social y ont été en jeu et on peut leur reprocher tout aussi souvent d’avoir suivi de fausses idées politiques ou économiques que d’avoir invoqué des principes mal entendus de droit ou de morale. En dehors des révolutions proprement dites, l’histoire des peuples est, pour la plus grande part, l’histoire de leurs erreurs sur toutes les questions sociales. Dira-t-on, en présence de ces erreurs, qu’il n’y a ni vérité politique, ni vérité économique, ni vérité morale ? Doit-on dire davantage qu’il n’y a pas. de principes de droit naturel ? Non ; il ne sert de rien pour éviter l’erreur de nier des questions qui renaîtront toujours, quoi qu’on fasse, dans l’intelligence, dans la conscience ou, si l’on veut, dans les passions des peuples. Il faut, au contraire, les étudier sous toutes leurs faces et redoubler d’efforts pour y faire pénétrer partout la lumière.


VI


Il faut avant tout les bien distinguer. L’une des erreurs capitales de la Révolution française et des théories qui l’ont préparée a été de confondre toutes les questions sociales. Le droit naturel surtout, même dans les traités spéciaux qui lui étaient consacrés, n’avait jamais su circonscrire exactement son domaine, et il est loin encore d’avoir une place distincte et définie dans l’ensemble des sciences morales. Ces sciences, en effet, ne sauraient se séparer entièrement. Leurs objets sont unis non seulement par les rapports les plus étroits, mais par une dépendance réciproque. Il serait dangereux de les isoler, mais il n’est pas moins dangereux de les confondre.

Le droit naturel n’embrasse pas la politique, et il n’est pas embrassé