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bénard. — la théorie du comique.

contraire ; pendant que nous formons un jugement, celui-ci se détruit. On rit d’un jeu d’escamoteurs, parce qu’on ne sait pas si ce qu’on voit est réel ou imaginaire. On rit quand un sot fait le sage, un jeune le vieux, un lièvre timide le brave, etc. » (Allgem. Theorie der schönen Kunste.)

En somme, rien de profond ni de bien original dans cette première période sur la question qui nous occupe. La théorie surtout est très faible, si l’on peut appeler théorie une définition suivie de quelques analyses et d’applications aux diverses branches de l’art et de la poésie qu’aucun lien manifeste ne rattache à leur principe. Toutefois, outre que la science s’enrichit de matériaux qui plus tard serviront à construire un édifice plus solide, un œil attentif et non prévenu ne peut méconnaître un progrès réel dans la marche du problème. Ce progrès consiste : 1o  dans l’attention de plus en plus grande, donnée à un sujet si longtemps oublié ou négligé ; 2o  dans la manière dont il est envisagé par les esthéticiens ; 3o  dans les solutions successivement ou simultanément essayées. Celles-ci, par les ingrédients qui s’introduisent dans la définition, révèlent un travail d’analyse et indiquent la voie vers des solutions meilleures.


II


On sait quelle vigoureuse impulsion l’auteur de la Critique du jugement a imprimée à la science du beau, comme à toutes les parties de la philosophie. Quelle place obtient, dans l’esthétique de Kant, le problème du risible ou du comique ? Comment est-il résolu ? Quelle valeur doit-on attribuer à sa solution ? En quoi a-t-elle pu à son tour féconder et enrichir cette petite portion du champ de la pensée sur laquelle nos regards sont fixés et qui se trouve enfermée dans un plus vaste domaine ?

Il faut le dire, on est d’abord tout étonné du peu d’importance que Kant semble attacher à cette question. Elle se trouve comme perdue dans une Remarque de l’Analytique du sublime et vient à propos d’une comparaison de la valeur esthétique des beaux-arts. Ce qui paraît plus singulier encore et ce qui prouve encore mieux combien l’auteur de la Critique du jugement est loin de lui accorder l’importance qu’elle a eue depuis, c’est le parallèle qu’il établit entre la musique comme art de pur agrément et la représen-