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des autres partisans de l’ironie, c’est que cette destruction totale de tout ce qui est réel laisse subsister l’idée, qui reparaît d’autant mieux au fond de l’œuvre d’art et dans les profondeurs de la pensée artistique ; elle se résout finalement dans l’harmonie, à la suite de cet anéantissement de toutes les formes du réel. (Ibid.)

Solger résume ailleurs plus clairement encore sa conception de l’art, qui est le couronnement de son esthétique :

« L’artiste doit anéantir le monde réel, non seulement en tant qu’il est l’apparence (Schein), mais en tant qu’il est l’expression même de l’idée. Cette disposition (Stimmung) de l’artiste en vertu de laquelle il pose le monde réel comme rien, nous la nommons l’ironie artistique. Aucune œuvre d’art ne peut naître sans cette ironie qui avec l’inspiration constitue le centre de l’activité artistique… Il ne faut pas la confondre avec la moquerie vulgaire (gemeine Spötterei), qui ne laisse rien subsister de noble dans l’homme. L’ironie reconnaît le néant non des caractères individuels, mais de toute l’existence humaine (des ganzen menschlich Wesen) précisément dans ce qu’elle a de plus élevé et de plus noble ; elle n’admet rien en face de l’idée divine. » (Vorlesungen, 125)

« Ainsi le comique a la même source que le tragique : la nullité et la contradiction de toute chose en opposition avec l’idée. » (Ibid., p. 313.)


V


Nous touchons ici à une nouvelle phase de la philosophie allemande, celle a laquelle Schelling et Hegel ont attaché leur nom et au sein de laquelle la théorie du comique subit une nouvelle transformation.

Les bornes de cet article ne nous permettant pas d’aller plus loin, nous jetterons un regard en arrière pour mesurer l’espace que nous avons jusqu’ici parcouru. Quoique arrivés à peine à la moitié de notre course, l’exposé historique qui précède suffira, nous le croyons, pour justifier la proposition que nous avons émise au début de ce travail et donner la démonstration, déjà, selon nous, difficile à contredire, de cette thèse : le progrès de la science du beau sur le problème particulier du comique, et la théorie qui en est l’objet.

On a vu comment ce problème à peine entrevu par les anciens philosophes, Platon et Aristote, contenu tout entier dans une phrase