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a. binet. — de la fusion des sensations semblables

elles se fusionnent. Tout se résume à prouver ce dernier point, l’identité des deux sensations dans le cas où nous ne recevons qu’une seule impression. On a vu que les différences des sensations de notre peau nous servent comme signes du lieu où elles se produisent, et que si toutes les sensations que la peau nous donne étaient uniformes, nous ne saurions à quelle partie de notre corps les rapporter. — Cette incertitude doit se produire dans une certaine mesure, si l’on admet l’identité des sensations produites par un compas qui n’éveille qu’une seule impression. Est-il vrai que sur la paume de la main, par exemple, les deux sensations qui sont séparées par cinq lignes et qui se fusionnent sont identiques : dès lors, il nous sera impossible de rapporter chacune d’elles à un point différent de la peau. — C’est ce que l’expérience confirme, comme chacun peut s’en convaincre lui-même. Deux méthodes peuvent être employées. La première consiste simplement à porter sur la peau d’une personne les deux pointes du compas à une distance où elles se fusionnent ; ne percevant qu’une seule pression, la personne sera dans l’impossibilité de localiser séparément les deux pointes : cela va de soi. La seconde méthode donne des résultats plus curieux. On cherche expérimentalement l’écart qu’on peut donner aux deux pointes sans qu’elles cessent d’être fusionnées, et on marque à l’encre les points de l’épiderme où on les applique. Ces préparatifs doivent être faits sous les yeux du sujet en expérience, afm qu’il fasse la tentative d’associer à l’image de chacun des points marqués à l’encre la sensation tactile qui y est afférente. Ensuite on prie la personne de détourner les yeux, et on excite tour à tour l’un et l’autre point de son épiderme, en lui demandant si elle peut indiquer le point sur lequel on appuie l’instrument. La personne répondra que non, ou bien, si elle essaye de localiser, elle le fera avec des alternatives de succès et d’insuccès qui prouvent qu’elle devine. Cette impossibilité de déterminer un endroit spécial pour chacune des deux sensations ne peut tenir qu’à une chose : la similitude des deux sensations[1].

Je m’étais proposé de prouver que, lorsque deux sensations du toucher restent distinctes, elles sont de nature différente, et qu’au contraire, lorsqu’elles se fusionnent, elles sont de nature semblable. La preuve est faite.

  1. Il faut se garder, dans cette expérience, d’écarter les branches du compas jusqu’à la distance maxima suivant laquelle nous fusionnons deux impressions ; car cette distance ne peut manquer de varier pendant le cours des recherches par le seul effet de l’exercice et de l’attention ; dès lors, il arriverait que les pointes du compas produiraient, au lieu d’une impression simple, une impression double ; ce qui changerait le déterminisme de l’expérience.