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analyses. — wigand. Der Darwinismus.


I. — Les hypothèses.

Elles sont au nombre de trois : variabilité de l’espèce, transmissibilité de ces variations, concurrence vitale.

La première est l’idée-mère du darwinisme. Quoique partisan de la fixité des espèces, Wigand reconnaît l’instabilité de quelques-unes, telles que « les pigeons, le chien, la rose, le pommier, la ronce, qui sont extrêmement variables. » Seulement cette variabilité prouvée en fait n’est point, comme le veut Darwin, une « mutabilité » illimitée : conception hypothétique qu’on substitue faussement aux observations positives. La variabilité ne constitue pas un mouvement progressif, irrésistiblement ascendant ; au contraire, c’est quelque chose de circonscrit, bien qu’en de larges limites, comme l’oscillation du pendule autour de son point d’équilibre. Et ce centre de gravité chez les êtres organisés, c’est le caractère spécifique, immuable de soi. Il y a plus, poursuit notre auteur : ces variations n’ont jamais lieu que suivant des directions définies, et la théorie darwinienne demande une variabilité sans limites qui aille de l’infusoire jusqu’à l’homme et qui soit « sans directions propres s-. Or, une descendance modifiée allant des protistes aux vertébrés est essentiellement délimitée à tous ses degrés, puisque. « si aucune cause déterminée n’est donnée, il est impossible que l’effet suive. » (Spinoza) Dire que la variabilité est illimitée, indéfinie, c’est donc déclarer que l’origine des espèces est un fait de combinaison fatale peut-être, mais accidentel.

Sur le même terrain, Wigand s’attaque encore à l’idée de la transmissibilité et de l’hérédité des variations. La variation, selon vous, dit-il aux darwiniens, engendre l’espèce en se fixant. C’est le contraire qui a lieu en fait : l’individu a une tendance prépondérante à revenir au type primitif.

La « concurrence vitale » ne saurait être niée, si par ce mot l’on entend la lutte de l’espèce contre un milieu défavorable : ainsi en est-il de la lutte du pigeon contre l’autour, des plantes contre la gelée. Mais le darwinisme parle d’une sélection de propriétés vitales mieux adaptées aux conditions d’existence de l’espèce : lieu, nourriture, etc. C’est dire qu’une plus grande vigueur ou une vitalité plus considérable sert d’origine aux espèces nouvelles ; or les marques caractéristiques et distinctes des espèces et des genres sont de nature éminemment morphologique, loin d’être des différences physiologiques. En eux-mêmes, les caractères morphologiques sont indifférents à l’énergie vitale ou à la destination organique de l’individu. Il serait donc très étonnant que la sélection naturelle se fut exercée à l’origine sur ces caractères pour en dégager des systèmes de plantes ou d’animaux. Partant, la hiérarchie ascendante des formes du monde organique ne saurait être rapportée à cette action.