Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
22
revue philosophique

sont, suivant Guillaume de Humboldt, les fruits les plus beaux, les plus mûrs de l’esprit, mais pour lesquels, dans aucun temps, la réalité n’est assez mûre[1]. Tantôt il appelle immédiatement ou dans un temps prochain une consécration légale. Tantôt enfin, sans attendre cette consécration, il impose aux consciences le devoir de le revendiquer el de le défendre contre tout empiétement et de résister en son nom à la tyrannie de la loi elle-même.

L’idéal ne s’oppose à la réalité qu’à la lumière de la réalité elle-même. S’il la dépasse, il est toujours suggéré par elle. Dans le monde physique, où la fixité des espèces est sinon une loi absolue, du moins une loi relative universellement constatée dans les limites de toutes les observations connues, le type idéal pour chaque classe d’êtres, pour chaque ordre de faits, est conçu une fois pour toutes. Dans le monde moral, où l’évolution et le progrès n’ont plus un caractère conjectural, l’idéal varie avec la réalité elle-même. L’idéal d’hier est la réalité d’aujourd’hui ; l’idéal d’aujourd’hui sera peut-être la réalité de demain. Voilà ce qu’il ne faut jamais oublier dans l’étude du droit naturel. La voie la plus sûre, pour s’élever, dans toutes les questions juridiques, à l’intelligence du droit idéal, est de suivre le droit réel dans toutes ses vicissitudes et tous ses progrès.

Emile Beaussire,
de l’Institut.

  1. Guillaume de Humboldt, Ideen zu einen Versuch die Grenzen der Wirksamkeit des Staats iu bestimmen, XVI.