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analyses. — wigand. Der Darwinismus.

cause, tout cela peut bien être connu et constaté comme fait d’expérience, mais non expliqué. Nous pouvons bien avec le secours de la comparaison et de l’abstraction découvrir dans la bigarrure infinie des phénomènes de la nature des lois générales, et grâce à l’expérimentation montrer la dépendance harmonieuse des changements ou des différents êtres les uns par rapport aux autres ; en particulier, il nous est possible de déterminer les lois générales de ces actions et de ces réactions. Mais quant à savoir pourquoi tel être existe, pourquoi il est conformé de la sorte, pourquoi d’une cause donnée c’est tel effet défini qui résulte, la voie nous est fermée par un impénétrable rideau que ne soulèvera jamais ni l’étude de la nature, si loin qu’elle puisse aller, ni la philosophie. Tout effort pour résoudre ce problème par les voies de la science expérimentale ou de la philosophie est une méconnaissance aussi bien de la vraie science positive que de la vraie philosophie. »

Au fond de la doctrine, Wigand signale cette singulière antinomie : le darwinisme s’efforce de remplacer la finalité par la causalité pure et simple, de ramener toute la connaissance naturelle à des rapports de cause et d’effet. Or la sélection naturelle, qu’on le veuille ou non, repose tout entière sur l’idée de finalité. Au « principe de l’utilité » comme on l’appelle d’un nom hypocrite, joignez « la théorie du hasard », vous avez le second facteur des phénomènes organiques. La sélection naturelle toute seule ne produirait rien ; elle ne fait que trier et conserver. Mais grâce à la variabilité indéfinie et illimitée des organismes, c’est-à-dire grâce au hasard, il se produit des variations individuelles innombrables, et ce qui est de telle manière aujourd’hui pour un rien fût sorti tout autre de l’enchevêtrement primitif des formes.

En présence d’une critique aussi vive, aussi ferme de la doctrine zoogonique contemporaine, le lecteur s’est sans doute demandé deux choses : d’abord, n’y a-t-il aucune idée juste, acceptable, sous cet amas de spéculations hasardeuses ? et, ensuite, quelle est donc la conception préférée de Wigand, sa manière de comprendre, de se représenter ces choses dont le darwinisme croit tenir la raison dernière ? C’est ce que nous apprendra ce dernier et important paragraphe.

En premier lieu, il n’est pas douteux que notre esprit soit porté à considérer le monde des êtres vivants comme un immense tout organique dont les membres, de façon directe ou indirecte, sont reliés entre eux sans discontinuité par voie de génération. Il est impossible au savant, habitué à ne considérer que des rapports d’effet et de cause, de se figurer les formes organiques indépendantes les unes des autres et comme tombées du ciel séparément. Et puis il y a malgré tout tant de ressemblances et d’affinités entre les formes organiques qu’on ne peut échapper à la pensée d’une « unité idéale » des êtres vivants, laquelle devient en fait une « unité réelle », étant le produit d’un processus naturel unique qui se complète et s’achève suivant des directions diverses. Considérez aussi que l’expérience partout et toujours constate que l’apparition de nouveaux organismes se produit au sein d’or-