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sont deux hommes d’une activité infatigable, d’une honorabilité parfaite, d’une éloquence populaire et entraînante, MM. Holyoake et Bradlaugh. Ils diffèrent sur un point essentiel. M. Holyoake rejette l’athéisme dogmatique : il se contente d’ignorer Dieu et la religion. M. Bradlaugh, plus radical, se déclare intrépidement athée : il est le leader de l’extrême gauche du parti.

Voici, d’après M. Flint, les principales propositions du sécularisme : — 1o  Il faut faire passer les devoirs relatifs à cette vie avant ceux qui se rapportent à une vie future ; car la vie présente, étant la première en certitude, doit avoir la première place comme importance. On ne nie pas pour cela la vie future ; on la relègue au rang des possibilités, des espérances incertaines. — 2o  La science est la providence de l’homme ; il est nécessaire de connaître le vrai avant de pouvoir faire le bien et acquérir le bonheur. La prière est inutile, l’expérience prouvant qu’elle ne reçoit pas de réponse ; nous sommes sous la dépendance de lois générales, et il n’y a pas de providence spéciale. — 3o  L’homme possède une règle de vie indépendante de toute croyance à Dieu, à l’immortalité, à la révélation. Le fondement de cette règle de vie, c’est l’utilité. — On voit que ces principes se confondent à peu près (sauf en ce qui concerne l’utilitarisme) avec ceux du positivisme ; les deux doctrines soulèvent les mêmes objections.

Une très intéressante leçon, la septième, est intitulée : « Y a-t-il des tribus athées ? » M. Flint observe judicieusement que le fait, fût-il expérimentalement établi, ne prouverait rien contre l’universalité d’existence du sentiment religieux. Que certaines peuplades ne manifestent aucune notion d’une puissance surnaturelle, tout ce qu’il serait permis d’en conclure, c’est que les circonstances défavorables au milieu desquelles elles vivent depuis des siècles les ont lentement dépouillées de l’un des caractères principaux de l’humanité. Mais le fait même est plus que eontestable. M. Flint discute, sur ce point, les assertions de M. Lubbock et montre ou qu’il a mal interprété le témoignage des voyageurs auxquels il se réfère, ou qu’il a passé sous silence des autorités compétentes qui renversent sa thèse, ou enfin que les auteurs qu’il cite n’ont pu être exactement informés. On sait d’ailleurs toute la répugnance qu’éprouvent les sauvages à se laisser interroger sur des croyances qui flottent à l’état de rêves indécis dans leur obscur cerveau, et le soin qu’ils apportent en général à les dissimuler aux yeux de l’étranger. Une objection plus grave se tirerait du bouddhisme, s’il était vrai que cette religion, qui compte 3 ou 400 millions d’adeptes, fût, comme on l’a soutenu, une religion sans Dieu. Mais M. Flint n’a pas de peine à faire voir, textes en main, que les divinités brahmaniques figurent à chaque page des légendes bouddhistes et que, pour ses sectateurs, Cakya-Mouni devint lui-même un Dieu.

Le pessimisme, tant ancien que moderne, est l’objet de la 8e  leçon. M. Flint attribue aux sombres doctrines de Schopenhauer, de Hartmann, de Bahnsen, une signification sérieuse et une portée véritable :