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Les aliénistes comprendront parfaitement qu’il n’y a pas de contradiction entre ces deux faits : somnambulisme et simulation de la lucidité.

Lorsqu’un fou raisonne, réfléchit, médite, il fait preuve souvent de beaucoup de logique. Dira-t-on qu’il n’est pas fou ? Il n’y a que les gens tout à fait étrangers à la médecine qui pourraient penser ainsi. En effet, un fou, un somnambule, raisonnent, réfléchissent, méditent, simulent, et il serait absurde d’en conclure que leur folie ou leur somnambulisme sont simulés.

Souvent même, on voit certains phénomènes psychiques bizarres qu’il est nécessaire de connaître. Quelques sujets endormis se rendent compte que leurs hallucinations sont des fictions, et que ce qu’ils voient devant eux, avec des formes qui paraissent réelles, n’est pas la réalité. Cela s’observe dans le rêve et aussi dans la folie. Souvent nous rêvons de monstres si étranges et de visions si absurdes que nous ne pouvons y croire. Il se fait alors une sorte de dédoublement dans la conscience : nous rêvons, et nous savons avoir affaire à un rêve ; et nous faisons de grands efforts pour chasser la vision qui nous obsède. De même des hallucinés entendent des voix qu’ils savent fort bien être subjectives. De même aussi certains somnambules ont conscience de leur état, de sorte qu’il s’établit en eux un curieux antagonisme. Leur imagination leur présente la forme réelle des choses, et leur intelligence en comprend l’absurdité. Voilà pourquoi ils ont souvent des contradictions qui, pour un observateur superficiel, sembleraient révéler la simulation. Le fait était très frappant chez une malade de Beaujon, une toute jeune fille, que j’ai endormie à plusieurs reprises avec la plus grande facilité. Je lui annonçais que j’allais lui pratiquer une opération douloureuse, L’amputation du bras, par exemple ; elle poussait des cris de douleur, pleurait abondamment et croyait voir couler le sang ; mais, presque au même moment, elle comprenait que c’était une fiction, et riait à travers ses larmes. Souvent aussi, lorsqu’on fait faire des voyages imaginaires aux sujets endormis, ils savent parfaitement qu’ils sont dans leur fauteuil ou dans leur lit, et pourtant ils voient les régions où l’on a eu la fantaisie de les conduire, comme, dans le sommeil ordinaire, nous nous trouvons transportés dans des contrées lointaines, sans oublier cependant que nous sommes tranquillement endormis dans notre chambre.

Une analyse attentive des phénomènes, telle que peuvent la faire des hommes instruits et intelligents qui ont consenti à se soumettre à l’action du magnétisme, montre combien il est difficile, même au sujet endormi, de se rendre compte qu’il ne simule pas. Pour faire