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ch. richet. — du somnambulisme provoqué

par conséquent des hallucinations, en rapport avec cette attitude.

Ainsi, par exemple, à un somnambule, si on ferme le poing et si on étend le bras, aussitôt la figure prendra l’expression de la colère, de la menace, et tout le corps se conformera à cette attitude générale de colère ou de menace. Si on lui fait joindre les mains, les traits prendront une expression suppliante, il se mettra à genoux et semblera, par toute son attitude, implorer humblement la pitié.

Une des malades de M. Charcot, G…, à la Salpêtrière, est très remarquable à ce point de vue. Lorsqu’elle est endormie, on peut, par certains gestes très simples, provoquer toute une série d’hallucinations. Si l’on fait, par exemple, le geste de répandre quelque chose par terre (chez cette malade, les yeux sont ouverts dans l’état somnambulique), elle s’imaginera qu’il y a des fleurs devant elle, se baissera pour les ramasser, les cueillir une à une, les mettra dans son tablier, puis les prendra dans la main, les unira en forme de bouquet avec un fil imaginaire, et en parera son corsage, etc. Si on lui lève l’index droit, en le mettant horizontalement à la hauteur de l’œil, elle s’imaginera qu’un oiseau est venu s’y poser. Alors elle le caresse, et se fait becqueter par lui. Que l’on fasse un mouvement brusque, et l’oiseau s’envole. Elle court alors dans la salle, suivant des yeux l’objet imaginaire.

On peut encore, par des gestes appropriés, lui faire imaginer la présence d’un serpent, d’un essaim de guêpes, etc. Dans tous ces cas, on a le même phénomène que précédemment : seulement l’idée hallucinatoire, au lieu d’être provoquée par une indication verbale, l’est par une attitude communiquée ou un geste extérieur. Ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’une seule idée donnant le branle, pour ainsi dire, à tout un ensemble de conceptions imaginatives, suscite aussitôt une série d’idées dépendant toutes de la première.

Un des caractères constants de ces hallucinations, c’est qu’elles s’accompagnent toujours d’attitudes générales du corps et d’expressions de la physionomie concordant avec elles. Il n’y a pas chez les somnambules d’idée qui puisse rester dissimulée. Un individu éveillé pourra très bien avoir de la crainte, du dégoût, de l’amour, sans que cependant ses traits expriment la crainte, le dégoût ou l’amour. La volonté peut lui faire dominer le sentiment et tenir secrète sa pensée intime. Il n’y a pas, au contraire, chez les somnambules, de pouvoir dominateur analogue ; chaque sentiment de crainte est représenté par l’attitude générale de la crainte, et il en est de même pour tous les sentiments. En un mot, le mouvement est toujours en accord parfait avec l’idée, et l’influence est réciproque. D’une part,