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ch. richet. — du somnambulisme provoqué

main, asseyez-vous, » pendant tout le temps qu’on voudra, il obéira sans effort ; ce sera un véritable automate, une machine montée, obéissant sans résistance, avec une docilité dont on ne trouverait pas ailleurs d’autres exemples.

On peut donner à cet automatisme une forme plus saisissante. Il suffit de faire exécuter un mouvement rythmique à un somnambule. Celui-ci ne pourra plus l’entraver : et involontairement il continuera à exécuter la même manœuvre sans pouvoir l’arrêter de lui-même. Par exemple, si, à un sujet endormi, on balance le bras le long du corps, deux ou trois fois, puis si on abandonne le sujet à lui-même, le mouvement du bras le long du corps continuera indéfiniment. Une personne étrangère pourra l’arrêter, mais le somnambule n’y pourra rien. En effet, comme les physiciens le savent, l’inertie de la matière se manifeste aussi bien par la continuation du mouvement que par la continuation du repos.

Plus l’éducation magnétique du sujet est parfaite, c’est-à-dire à mesure qu’il a été endormi un plus grand nombre de fois, plus cet automatisme est complet. Finalement, la personne endormie a pour toute pensée celle que veut bien lui communiquer celui qui l’a endormie. Quand il parle, elle l’écoute attentivement, cherchant à deviner sa pensée, à se conformer à ses désirs, à exécuter ses ordres. Il y a là un curieux effet d’habitude. L’habitude d’obéir à la même personne est devenue presque une nécessité et s’impose comme une des conditions mêmes de la pensée.

L’automatisme est assurément le symptôme caractéristique de l’état somnambulique. Cette modification profonde de l’intelligence nous donne peut-être quelques éclaircissements sur la nature du [somnambulisme, et nous y reviendrons lorsque dans un dernier chapitre nous tâcherons d’expliquer l’enchaînement des divers symptômes.

d. État affectif et intellectuel. — Un romancier célèbre a raconté l’histoire de cette somnambule qui dans l’état de veille éprouvait une violente antipathie pour son magnétiseur, mais qui, pendant son somnambulisme, ressentait pour lui un amour passionné. Il y avait donc en elle un dédoublement de la personne. Endormie, elle était tout à fait différente de ce qu’elle était, éveillée. Cette fiction du romancier n’est pas contraire à l’observation des faits. M. Azam a raconté avec détails l’histoire de Félida X…, chez qui la personnalité s’était dédoublée, comme chez l’héroïne de Joseph Balsamo. J’ai observé beaucoup de somnambules, et j’ai pu noter aussi des modifications profondes dans leur état affectif et intellectuel.

Chez tous les somnambules, la sensibilité morale est extrême. Rien n’est plus facile que de les faire pleurer. Il suffit de leur parler