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toute la mémoire. À la vérité, cette expérience ne doit être tentée qu’avec une grande prudence, et en tout cas il ne faut pas la prolonger plus de quelques minutes à peine. J’ai vu en effet survenir dans ce cas une telle terreur et un tel désordre dans l’intelligence, désordre qui a persisté pendant un quart d’heure environ, que je ne voudrais pas recommencer souvent cette tentative dangereuse.

Je sais bien qu’on pourra croire à la simulation. Je reconnais volontiers que le fait est assez surprenant, et qu’il peut être simulé. J’ai cherché souvent à imaginer dans ce cas une preuve de non-simulation, et je n’en ai pu trouver d’irréfutable. Cependant il y a telles apparences de sincérité, telles réponses caractéristiques et topiques (jointes à d’autres preuves personnelles de confiance, que ma conviction est faite. J’avoue que je ne donne pas assez de preuves pour la faire partager aux autres ; et je comprends très bien que sur ce point on exige d’être mieux informé pour être persuadé. Toutefois à ceux qui douteraient je donnerai le conseil de tenter par eux-mêmes, si cela est possible, cette expérience. Elle est d’un grand intérêt, et je serais étonné si elle restait sans résultats[1].

3e  degré. Il n’existe entre la période des hallucinations et la période de stupeur profonde que des transitions presque insaisissables. La seule différence essentielle est que, dans la période de stupeur, l’automatisme est beaucoup plus complet, et que les individus endormis, au lieu d’avoir facilement des hallucinations, sont plongés dans un état d’inertie mentale bien plus profonde. C’est l’exagération de l’état décrit plus haut. Rien ne peut éveiller le sujet du sommeil profond dans lequel il est plongé : c’est un parfait automate qui n’a plus aucune trace de spontanéité.

En général, dans mes expériences, je n’arrivais pas à cette période dernière, tandis que, dans les expériences de M. Heidenhain ou chez les hystériques de la Salpêtrière, on observait bien plutôt la stupeur que les hallucinations.

Cette différence tient probablement à deux causes. En premier lieu, les femmes de la Salpêtrière sont des malades atteintes d’hystérie grave, et chez elles l’accès de somnambulisme n’est qu’une des formes de leur attaque hystérique, de sorte que l’état qu’on provoque chez

  1. Toutes ces questions étant à l’étude, rien ne me serait plus utile et plus agréable que de recevoir les observations que les lecteurs de ce travail voudraient m’adresser sur tous ces points obscurs. Pour ce qui est de la perte momentanée de la mémoire, je ne vois pas quelle expérience on pourrait imaginer pour déjouer la simulation si elle existe. On n’a, je crois, d’autre ressource que de faire l’expérience sur une personne dont on a éprouvé la sincérité.