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nées de l’expérience. Mais Kant commit l’erreur de croire que le concept de Substance faisait nécessairement partie de tout concept de Chose. Il crut que la Chose de l’expérience vulgaire n’était pas possible sans le concept à priori d’un substrat immuable, affirmation arbitraire, qui ne résiste pas à la critique pénétrante de Hume. De son côté, Hume, avec ses complexes de phénomènes, est revenu au concept de Chose et n’a nullement satisfait à la prétention légitime qu’a la Pensée logique de rendre la liaison des Choses toujours et partout intelligible. La Substance n’est donc pas plus une forme à priori de l’entendement qu’un phénomène ou une chose en soi. Qu’est-ce donc ? Nous avons déjà fait prévoir la réponse de M. Wundt. La Substance est un concept hypothétique. La science a besoin, pour rendre l’expérience compréhensible, de quelque chose d’inaccessible aux sens et qui, pourtant, soit conforme d’un côté aux principes logiques, de l’autre aux concepts de l’intuition, au Temps et à l’Espace. Ce quelque chose ne peut être qu’une hypothèse ; mais c’est une hypothèse d’un genre particulier, une hypothèse dont les derniers éléments ne pourront jamais être transformés en faits de l’expérience. Il n’est pas absurde de penser que la science un jour puisse trouver un moyen de rendre l’électricité sensible, bien qu’aujourd’hui les physiciens, en parlant du fluide électrique, ne prétendent nullement rendre compte de la réalité. Mais il est clair que la substance matérielle ne pourra jamais être directement perçue. C’est en ce sens que M. Wundt croit pouvoir attribuer au concept en question un caractère métaphysique, en même temps qu’hypothétique. Le mot de métaphysique prend seulement un sens un peu différent de son acception ordinaire ; il signifie chez M. Wundt : « différent des objets qui sont immédiatement donnés à nos sens, tout en restant conforme aux concepts de Temps et d’Espace et aux principes logiques de la Pensée. » La théorie physique de l’ondulation lumineuse peut servir à donner une idée d’une hypothèse ayant un caractère métaphysique. La science en effet, dans son état actuel, considère le substrat objectif des phénomènes lumineux comme absolument inaccessible à nos sens dans sa nature immédiate. Elle le tient pourtant pour représentable dans le Temps et dans l’Espace. La chimie, de son côté, a reconnu, depuis longtemps déjà, que ses éléments sont en réalité des corps composés, mais que la science humaine ne possède aucun moyen d’isoler des corps vraiment simples. Le substrat des phénomènes chimiques est donc lui aussi une sorte de substance métaphysique. Il est facile d’étendre la même considération à toutes les sciences physiques et naturelles ; et ces sciences, qui toutes avaient commencé par se contenter du concept