Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
416
revue philosophique

plan même des leçons. Il va de soi que cet avis n’était pas plus admissible que le précédent : ils se détruisent l’un l’autre, et leur opposition même montrait assez qu’il fallait les écarter tous les deux.

Une autre opinion était plus fortement motivée : M. Fouillée proposait d’augmenter le temps donné aux études philosophiques et de répartir ces études sur plusieurs années, de faire enseigner, par exemple, l’esthétique en rhétorique, la morale sociale, les éléments du droit et de l’économie politique, la théorie des méthodes, en seconde et même dans les années qui précèdent, sauf à reprendre les mêmes questions, au point de vue supérieur des principes, dans la classe de philosophie, désormais consacrée plus exclusivement aux hautes recherches spéculatives[1]. Ces propositions, si plausibles et qui à tant d’égards seraient avantageuses à l’enseignement philosophique, ne pouvaient être, quant à présent, soumises au Conseil supérieur. Non seulement elles sont de trop de portée pour ne pas demander un examen approfondi ; mais, dans l’état actuel du personnel, elles ne pouvaient être qu’ajournées, tout essai qu’on en voudrait faire aujourd’hui devant infailliblement compromettre pour l’avenir ce qu’elles contiennent d’excellent. Il ne semble pas, en effet, qu’on puisse de sitôt avoir deux professeurs de philosophie dans chaque lycée et collège. Et quant à augmenter le service des professeurs actuels, lorsqu’ils ont tant besoin de loisirs intellectuels, ou bien à imposer aux professeurs de lettres une besogne qui n’est pas la leur, quand leur tâche est déjà si lourde, qui pourrait y songer ? Et puis, si la philosophie est incontestablement une des parties les plus florissantes de notre enseignement secondaire, cela ne tient-il pas, entre autres causes, à ce que le professeur de philosophie a sa classe à lui, ses élèves à lui, avec qui il passe une année entière dans un commerce intime et régulier, sur qui il a par conséquent toute l’influence qu’il sait prendre ? Qui n’a entendu les professeurs d’histoire, par exemple, se plaindre amèrement d’avoir à faire dans plusieurs classes différentes, devant des élèves si nombreux qu’à peine ils peuvent en savoir les noms, un enseignement partout regardé plus ou moins comme accessoire, malgré son extrême intérêt ? La philosophie après tout a une belle et large part dans la distribution du temps ; elle peut rendre et rend ainsi de très grands services, sans abuser de la faveur dont elle est l’objet pour empiéter sur les autres enseignements. — L’auteur des propositions dont il s’agit a

  1. Voir la Revue des Deux-Mondes du 15 mai 1880 et la Revue politique et littéraire des 29 mai et 12 juin 1880.