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des progrès de la science. Jamais donc il ne perdra complètement son caractère hypothétique. Nous pourrons revenir, après avoir parlé de la causalité, sur ce perfectionnement continuel du concept de Substance. Nous en comprendrons mieux alors toute l’importance scientifique. Mais nous pouvons sans plus attendre signaler comme un défaut capital de la théorie kantienne de l’avoir méconnu. Chez Kant, le concept de Substance est figé pour ainsi dire, et cela malgré le témoignage de l’histoire qui nous montre la science créant, après de longs tâtonnements, ce concept dont s’était toujours passé l’expérience vulgaire, et, dans la suite, lui faisant subir de continuelles modifications, le soumettant à un développement dont jamais elle n’atteindra le terme.

Nous avons seulement parlé de la substance matérielle qui forme le substrat des phénomènes de l’expérience externe. Il est évident, d’après ce que nous avons dit, qu’il ne peut être question d’appliquer le concept de Substance aux phénomènes dits internes, à moins qu’on ne les envisage dans leurs rapports avec l’expérience externe. Les phénomènes psychophysiques supposent en effet une substance. La reproduction des représentations n’est intelligible qu’à cette condition. Mais, si l’on entend par phénomènes internes les actes de pensée et de volonté, il est inutile de vouloir les ramener à un substrat (âme). Ils ne nous sont pas en effet donnés médiatement, mais immédiatement, tels qu’ils sont dans leur essence même. Il n’y a donc rien à chercher derrière cette activité continue de la pensée et de la volonté qui constitue notre être. Cette activité est une réalité immédiate dont notre esprit n’est pas différent. C’est une sorte de chose en soi, la seule qui nous soit connue. M. Wundt ici se rapproche beaucoup des hégéliens, qui déclarent que la seule chose en soi, c’est l’activité de la Pensée.


IV


Nous avons vu que l’activité de la Pensée Logique consistait essentiellement dans l’application des lois logiques aux données expérimentales. La formation du concept hypothétique de la Substance ne résulte pas directement d’une telle application ; c’est plutôt une opération préparatoire destinée à la rendre possible. Ce n’est qu’après avoir établi entre les phénomènes divers une coordination intelligible, conforme aux principes logiques, que la Pensée peut songer à leur