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h. lachelier. — théorie de la connaissance.

taines conditions, déterminées par l’expérience, lierait-elle ces séries d’une façon nécessaire ? C’est ce qu’il est impossible d’expliquer. On objecte que des lois empiriques ne peuvent être nécessaires, parce que d’autres lois empiriques peuvent toujours les contredire. À cette objection, il est facile de répondre, d’abord, qu’une loi empirique paraît nécessaire aussi longtemps qu’elle n’a été contredite par aucune autre loi, et qu’une telle nécessité suffit même parfaitement à la pensée. En second lieu, on peut faire remarquer que cette nécessité absolue, dont parlent les aprioristes, n’existe pas pour l’expérience vulgaire, et que c’est un postulat de la science, dont l’apparition est de date relativement récente. La lutte entre les deux systèmes reste donc sans issue, parce que des deux côtés l’on s’appuie sur de simples affirmations. Entre les deux affirmations suivantes : « Ce qui est nécessaire est à priori ; » et : « Ce qui est nécessaire n’a nullement besoin d’être à priori, » il est à tout jamais impossible de décider, si l’on ne détermine la source de la nécessité causale, d’une manière qui permette de rendre toujours compte des cas où elle est applicable. Il est nécessaire pour atteindre ce but de recourir à la pensée logique, seule source de nécessité.

Le fait que nous venons de signaler, l’apparition tardive du concept de nécessité absolue, et la restriction de ce concept au domaine de la science, peut nous éclairer peut-être sur la véritable source de cette nécessité. Nous n’avons trouvé jusqu’ici de nécessité absolue que dans les principes logiques de la Pensée, mais nous avons constaté une tendance constante de la Pensée à élaborer les données de l’expérience au moyen de ces principes. Cette tendance ne doit pas être confondue avec une activité qui s’exercerait spontanément, nécessairement, en face de toute expérience, comme celle des catégories kantiennes. Etant donnés, par exemple, deux objets semblables, tous les deux, à un troisième, il n’est pas nécessaire que la Pensée conclue aussitôt à la similitude des deux premiers objets. L’application des principes logiques aux résultats de l’expérience est une action libre, au sens leibnizien du mot, c’est-à-dire non nécessaire. Si la nécessité absolue des liaisons causales n’apparaît qu’au savant, n’est-ce donc pas que cette nécessité vient des principes logiques et que le savant seul sait appliquer ces principes à l’expérience ? L’expérience vulgaire ne méconnaîtrait-elle pas la nécessité absolue des liaisons causales que faute de faire un usage suffisant des fonctions logiques de la Pensée ?

La Pensée logique possède un principe dont l’analogie avec la causalité a de tout temps frappé l’esprit des philosophes et avec lequel la causalité a même longtemps été confondue. C’est le Principe