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niques. Même réduite à ces termes, l’étiologie des désordres de la mémoire est très obscure, et ce qu’on peut considérer comme acquis sur ce point est peu de chose.

La mémoire consiste à conserver et à reproduire ; la conservation paraît dépendre surtout de la nutrition ; la faculté reproductive, de la circulation générale ou locale.

I. La conservation qui joue le rôle le plus important, puisque sans elle aucune reproduction n’est possible, suppose une condition première qu’on ne peut traduire que par cette expression vague : une constitution normale du cerveau. Nous avons vu que les idiots sont atteints d’amnésie congénitale, d’impuissance native à fixer les souvenirs. Cette condition première est un postulatum ; c’est moins une condition que la condition d’existence nécessaire de la mémoire. En fait, elle se rencontre chez presque tous les hommes.

Cette constitution normale étant donnée, il ne suffit pas que les impressions soient reçues, il faut qu’elles soient fixées, enregistrées organiquement ; il faut qu’elles deviennent une modification permanente de l’encéphale ; il faut que les modifications imprimées aux cellules et aux filets nerveux et que les associations dynamiques que ces éléments forment entre eux restent stables. Ce résultat ne peut dépendre que de la nutrition. Le cerveau reçoit une masse énorme de sang, surtout la substance grise. Il n’y a pas de partie du corps où le travail nutritif soit plus actif ni plus rapide. Nous ignorons le mécanisme intime de ce travail. L’histologie la plus raffinée ne peut suivre les molécules dans leurs ré-arrangements. Nous n’en constatons que les effets : tout le reste est induction. Mais il y a des faits de tout ordre qui démontrent la connexion étroite de la nutrition et de la mémoire.

Il est d’observation vulgaire que les enfants apprennent avec une merveilleuse facilité ; que tout ce qui ne demande que de la mémoire, comme les langues, est vite acquis par eux. On sait aussi que les habitudes, c’est-à-dire une forme de la mémoire, sont bien plus aisément contractées dans l’enfance et la jeunesse qu’à l’âge adulte. C’est qu’à cette période de la vie l’activité du processus nutritif est tellement grande que les connexions nouvelles sont rapidement établies. Chez le vieillard, au contraire, l’effacement si prompt des impressions nouvelles coïncide avec un affaiblissement considérable de cette activité.

Tout ce qui est appris trop vite ne dure pas. L’expression : « s’assimiler une chose, » n’est pas une métaphore. Je n’insisterai pas sur une vérité que tout le monde répète, mais sans se douter que ce fait psychique a une raison organique. Pour fixer les souvenirs, il faut