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cept qu’il exprimé n’en est pas moins entièrement formé dans l’esprit de Platon, et il y attache d’autant plus d’importance qu’il y voit le lien d’union entre toutes les branches de la science mathématique.

Ainsi la géométrie n’est pour lui que l’étude de relations numériques qui ne sont pas astreintes à être commensurables ; aussi blâme-t-il, pour désigner ces relations, l’emploi de termes empruntés à l’intuition des figures, comme ceux de quadrature, etc. Ce qu’il estime dans la géométrie, c’est donc, à proprement parler, l’algèbre, qui n’a pas encore de signes spéciaux pour se constituer à part, mais qui est déjà vivante sous une forme qu’elle rejettera plus tard ; car l’analyse ancienne, celle que Platon a constituée, est en fait une algèbre dont le symbolisme est relatif à des figures. Au contraire de ce que fit Descartes, lorsqu’il appliqua l’algèbre, déjà indépendante, à la géométrie, comme si celle-ci restait à faire, les anciens se servaient de la géométrie pour les questions de pure algèbre, comme si l’intuition de figure était indispensable pour la compréhension de relations entre quantités. Mais leur point de vue était aussi commode que le nôtre pour percevoir l’unité de la mathématique.

Que cette unité soit une thèse de Platon, cela est bien connu ; que ce soit bien dans le concept de la quantité incommensurable qu’il la reconnaisse, il peut être intéressant de l’établir par des textes précis et non par une simple déduction logique. Observons d’abord que, d’après ses écrits authentiques, il n’y a pas de notion mathématique à laquelle il attache plus d’importance. Ainsi, dans le Théétète, il nous fait assister à la généralisation historique du concept de la racine incommensurable d’un nombre, et il se complaît visiblement dans les détails circonstanciés, et très clairs d’ailleurs, qu’il donne à ce sujet. Dans les Lois (VII, 819 d). il emploie les expressions les plus fortes pour qualifier l’ignorance du vulgaire qui croit que deux dimensions d’un corps sont nécessairement commensurables entre elles, et se rappelle avec étonnement son jeune âge, où lui-même partageait cette erreur commune.

Mais, pour faire un pas plus loin, nous sommes obligés d’aller jusqu’à ce passage de l’Epinomis que nous avons déjà mentionné plus haut. Malheureusement les expressions techniques qu’il renferme le rendent passablement obscur, et il nous faut le commenter tout en le traduisant. Si d’ailleurs Philippe l’Opontien, l’auteur présumé du livre, est évidemment imbu de la pure doctrine de Platon, et si, sur le point dont il s’agit, il ne s’en écarte certainement pas, son talent est très inférieur à celui du maître, et son exposition est quelque peu terre à terre :