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analyses. — ollé-laprune. De la certitude morale.

ception, « connaissance d’une chose concrète, réelle, agissant d’une certaine manière sur vous, et manifestée par cette action même. » Maintenant, par un acte nouveau, vous affirmez, vous prononcez « que ceci est ou n’est pas, que telle chose existe, qu’elle a telle qualité, qu’elle a avec une autre chose tel rapport. » Ces affirmations sont conformes ou non à ce qui est : elles sont vraies ou fausses. Si vous tenez la vérité, si vous la possédez, si vous l’affirmez avec une assurance parfaite, vous êtes certain. L’assentiment qui est la certitude se distingue de celui que nous donnons aux choses seulement probables en ce qu’il ne comporte pas de degrés : vous l’accordez ou le refusez, il n’y a pas de milieu. Il faut, pour le donner, que raisonnablement vous ne trouviez pas matière à douter.

Cependant on peut tenir la vérité sans se dire qu’on la tient. Voilà l’assentiment simple, la certitude implicite. Au contraire, on peut posséder la vérité en se rendant compte qu’on la possède : c’est la certitude explicite. Dans le premier cas, l’assentiment est indélibéré ; dans le second, il suppose une sorte de retour et d’arrêt volontaire de la pensée sur sa propre affirmation : c’est un acte délibéré. Dans les deux cas, le doute est exclu : ou il ne se présente pas, ou il est écarté, ou il est vaincu.

Voici une autre distinction que l’auteur croit découvrir, soit de lui-même, soit chez un Anglais, le P. Newman, mais qu’on trouve à chaque instant dans le Système de logique de Stuart Mill et qui fait la différence du point de vue de ce philosophe avec celui de Hamilton : la certitude peut porter sur des choses, et elle s’appelle alors réelle ; ou sur des notions, et elle est alors abstraite. L’assentiment de l’esprit aux choses est immédiat et a une force singulière ; la notion n’emporte pas l’assentiment de la même manière : c’est un assentiment sans chaleur, et, en un sens, incomplet. Il doit être bien entendu que la certitude abstraite n’a de valeur qu’autant qu’elle se rapporte, par l’intermédiaire des notions, à des choses ; toute certitude porte, en fin de compte, sur des choses. — La certitude implicite est une certitude réelle ; la certitude explicite suppose toujours quelque notion abstraite.

Ce qui est réel se faisant sentir par son action, il n’y a point de pensée qui n’ait son point de départ réel en quelque action singulière et concrète sentie par l’âme ; en d’autres termes, toute connaissance commence par l’expérience ; seulement l’expérience doit être ici entendue en un sens large : « Avoir l’expérience d’une chose, c’est en éprouver ou subir l’action, ou ressentir quelque effet produit par elle ; mais on a aussi l’expérience de ce qu’on fait soi-même : expérimenter, n’est-ce pas éprouver, au sens d’essayer, et celui qui agit n’essaye-t-il pas ses forces et ne prend-il pas dans cet essai une connaissance intime de ce qu’il est ? » (P. 28.) Même dans les vérités spéculatives les plus éloignées en apparence, on retrouve la vivante image de quelque expérience personnelle : la certitude périt, un l’a