Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/571

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
561
périodiques. — Zeitschrift fuer Philosophie.

insiste sur l’empire fâcheux que les opinions de l’antiquité exercent encore sur nous. Cette observation est surtout vraie des préjugés et des erreurs que l’autorité trop respectée des anciens entretient parmi les logiciens modernes, malgré les progrès incontestables que la science a réalisés. C’est toujours la logique d’Aristote qu’on enseigne dans les écoles. Les esprits ordinaires ne sont pas seuls à subir ce joug. On sait combien Kant lui-même, le grand réformateur de la philosophie, se plaisait à opposer la certitude incontestée des théories logiques, que nous a léguées le passé, aux variations incessantes de la métaphysique. Herbart ne les jugeait pas avec moins de faveur et n’en vantait pas moins la rigueur démonstrative que l’utilité pédagogique. Trendelenbourg n’hésite pas à préférer la logique d’Aristote à celle de Kant. Aussi n’a-t-il cru pouvoir rien faire de mieux que de reconstituer le véritable sens des théories du Stagyrite. Un examen attentif montre pourtant que ce respect superstitieux pour l’ancienne logique n’est pas étranger aux erreurs, aux difficultés qui ont embarrassé la marche de Leibniz, de Kant, de Herbart par exemple. Bornons-nous à examiner ce que vaut la théorie du raisonnement, que nous devons aux anciens. Non seulement Aristote n’a pas étudié l’induction et l’analogie ; mais sa théorie du syllogisme même est loin d’être satisfaisante. Il est faux qu’il n’y ait de raisonnement concret que celui qui se laisse ramener à l’un des dix-neuf modes de la première figure. Il n’est pas exact davantage que, dans tout syllogisme, sur les deux prémisses, il doive y en avoir une au moins de générale, une d’affirmative. Ne tirons-nous pas tous les jours des conclusions valables de prémisses comme les suivantes : « Lessing n’était pas l’ami du clergé ; il n’était pas non plus l’ennemi du christianisme ; » ou de cet autre : « Ces personnes ne sont plus tout à fait jeunes ; elles n’agissent pourtant pas tout à fait avec raison ? »

Si Kant propose, pour améliorer la logique d’Aristote, de traiter les propositions particulières comme des propositions universelles, sa correction n’est rien moins, au fond, que le renversement de la syllogistique péripatéticienne. — La distinction des figures au point de vue de leur valeur démonstrative n’est pas soutenable ; et la célèbre formule : « Omnis bonus syllogismus regulatur per Dici de omni vel Dici de nullo » que l’on considère comme la loi suprême du syllogisme, ne s’applique bien qu’aux raisonnements de la première figure. D’ailleurs l’histoire de ce principe est aussi instructive que peu connue. Les modifications qu’il a subies dans la forme et pour le sens chez les logiciens du moyen âge montrent combien l’interprétation d’Aristote a varié.

Bruno Weiss : Recherches sur la dialectique de Frédéric Schleiermacher (fin). Nos précédentes études nous permettent de déterminer les rapports de la philosophie spéculative et de la religion, dans la doctrine de Schleiermacher. À ses yeux, la divinité n’est ni un objet de connais-