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l. liard. — méthode et mathématique de descartes.

tations, dans l’hiver de 1619[1]. Toutefois, il nous l’apprend lui-même, elle avait de secrètes origines, dans les études de son enfance et de sa jeunesse. « J’avais un peu étudié étant plus jeune entre les parties de la philosophie à la logique, et entre les mathématiques à l’analyse des géomètres et à l’algèbre, trois arts ou sciences qui semblaient devoir contribuer quelque chose à mon dessein[2]. » Il n’est pas sans intérêt de se demander quelle a pu être la contribution de la logique, de l’analyse des anciens et de l’algèbre des modernes à la méthode cartésienne[3].

Pour ce qui est de la logique, la réponse est aisée. Descartes n’en a rien tiré. Il la mentionne seulement pour en marquer la stérilité. Il s’agit en effet de cette analytique d’Aristote qui, décomposant des notions données, explique les connaissances sans les étendre, et dont l’abus avait conduit à ce grand art de Raymond Lulle qui donne moyen de parler vraisemblablement de toute chose sans rien savoir et de se faire admirer des plus ignorants. Pour se convaincre de l’impuissance native et irrémédiable de ses procédés, en ce qui touche l’invention de la vérité, il suffit « de remarquer que les dialecticiens ne peuvent former aucun syllogisme qui conclue le vrai, sans en avoir eu auparavant la matière, c’est-à-dire sans avoir connu d’avance la vérité que ce syllogisme développe[4]. » Tout au plus peut-on s’en servir pour exposer plus facilement aux autres les vérités déjà connues. Il faut donc renvoyer les syllogismes de la philosophie à la rhétorique.

Autres sont l’analyse des anciens et l’algèbre des modernes.

Par analyse, les géomètres ont entendu à la fois une science et une méthode. Comme science, l’analyse était une partie de la géométrie[5]. Comme méthode, elle était un procédé de découverte mathématique, dont voici les principales articulations. En premier lieu, considérer la question proposée, théorème ou problème, comme résolue, puis, en la décomposant progressivement en ses éléments, la ramener à quelque autre proposition plus simple, admise comme principe, ou déjà démontrée. C’est donc à la fois une décomposition et une réduction. Ainsi de nouvelles propositions sont rattachées aux propositions antérieurement admises, et la science se développe et s’étend. Appliquée à la géométrie par les anciens, cette méthode

  1. Descartes, Olymp. ; Cf. Baillet, Vie de M. Descartes, liv. II, ch. i.
  2. Méth., 2e  p.
  3. Sur les origines mathématiques de la méthode cartésienne, Cf. V. Charpentier, Essai sur la méth. de Descartes, liv. II, ch. 1, 2, 3.
  4. Regid. ad direct, ingen., Reg. 10.
  5. Cf. Chasles, Aperçu hist. sur l’orig. et le dévelop. des méth. en géom., p. 5, et Introd. à la géom. sup. p. 4, sqq.