Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
51
f. paulhan. — la personnalité.

dualité de cet ensemble, on n’explique pas non plus le fonctionnement d’un organe ou d’une faculté. »

Ainsi voilà deux philosophes appartenant à des écoles bien différentes et qui opposent la même objection à la théorie phénoméniste. À mon avis, cette objection ne porte pas. L’unité, objectivement connue, l’unité extérieure peut être le résultat d’une composition ; l’unité intérieure, l’unité subjectivement perçue, ne le peut pas. Sur ce point, nous pouvons être d’accord, car je ne crois pas qu’il y ait jamais une unité perçue subjectivement, ou, si l’on préfère, la manière dont nous connaissons objectivement l’unité est exactement la manière dont nous la percevons subjectivement. Si lune de ces unités peut être due à une composition, il en est de même de l’autre.

C’est une chose difficile que de s’entendre sur le sens des mots objectif et subjectif. Aussi les écarterons-nous, après nous être expliqué. Nous disons que nous connaissons subjectivement l’unité du moi, absolument, je pense, comme nous connaissons subjectivement une pensée, une émotion, un plaisir ou une douleur, une image, et je connais une image comme je connais une sensation. À ce point de vue, on peut dire que toutes nos connaissances sont subjectives. À un autre point de vue, on peut dire qu’elles sont toutes objectives. En effet, je connais objectivement mon encrier qui est hors de moi, mon encrier est l’objet de ma sensation. Mais si, au lieu de regarder mon encrier, je me le représente mentalement, pendant qu’il n’est pas sous mes yeux, l’effet produit est le même, sauf une différence dans la force de l’apparition. La vision est plus faible, mais mon encrier à l’état d’image plus faible n’en est pas moins l’objet de ma connaissance. Et, quelle que soit la chose que je connaisse, un animal, une idée, un mouvement, une émotion, je ne connaîtrai jamais que l’objet de ma connaissance, je connaîtrai tout objectivement. Ainsi, quelle que soit la chose connue, on peut dire indifféremment qu’elle est subjectivement ou objectivement connue. Or je connais l’unité du moi, absolument comme je connais toute autre chose. Je la connais subjectivement en ce que je la connais comme donnée de ma conscience ; je la connais objectivement en ce qu’elle est l’objet de ma connaissance.

Que j’examine le moi, que j’examine un tas de cailloux, je connais toujours de la même manière, je les connais parce que le moi et le tas de cailloux sont l’objet de ma connaissance. La différence qu’on peut faire, c’est que le tas de cailloux m’apparaît comme fait extérieur, tandis que le moi m’apparaît comme fait interne. Mais remplaçons le tas de cailloux par l’image, par la représentation mentale,